Projet Collectif Sciences Po 2005 : Mariage Homosexuel et homoparentalité
 

Compte-rendu d'entretien
Patrick Bloche - député


Etes-vous favorable ou non au mariage homosexuel ?

Ma position est uniquement basée sur la notion d’égalité des droits, qui est principe républicain. L’interdiction faite aux personnes de même sexe de se marier est une discrimination. Les couples de même sexe doivent pouvoir accéder au mariage, c'est une question d'égalité.
Je ne me positionne pas quant à l'idée que je me fais du mariage ; c'est juste une question de principe. Les gays et lesbiens n'ont pas massivement envie de se marier demain, mais ils ne supportent pas l'idée qu'on leur interdise le mariage. Ils veulent juste avoir cette possibilité.

Etes vous également favorable à l'adoption ?

Oui, surtout, par rapport au problème de la filiation. Je suis surtout soucieux de l'intérêt de l'enfant. Partant de l'intérêt supérieur de l'enfant, et d'une mission à l'Assemblée Nationale sur la famille et l'enfant, où nous étudions le dispositif de protection de l'enfance, ainsi que le placement, terme maladroit qu'on pourrait remplacer par accueil. Nombre d'enfants doivent être retirés de leur milieu familial pour retrouver un cadre plus équilibré, cadre qui pourrait être une famille de même sexe.
Cependant, comme il y a peu d'enfants à adopter au niveau national, je pars de la situation de fait, une réalité, qui concerne quelques centaines de milliers d'enfants en France, qui sont élevés par des personnes de même sexe, parce que l'un des parents qui les a eu par filiation s'est séparé de son conjoint, et a refait sa vie avec une personne de même sexe. Des juges aux affaires familiales ont été saisis, qui ont jugé qu'il fallait que l'enfant soit élevé par la personne qui a refait sa vie avec une personne de même sexe. On voit donc des gamins vivre de manière très équilibrée, alors qu’ils vivent au sein d’un ménage de parents de même sexe.
Je pense qu'en réfléchissant au statut de beau-parent, qu'on pourrait appliquer aux personnes de même sexe, on pourrait assurer un cadre juridique sécurisant pour l'enfant.
C'est pour cela que je suis pour l'homoparentalité, quand bien même ce n'est qu'un aspect du problème.

Que pensez-vous cependant de l’absence d’une figure maternelle dans le couple quant au développement de l’enfant ? C’est notamment l’argument de Claude Habib pour réclamer la légalisation de l’adoption pour les couples lesbiens, mais pas pour les couples homosexuels masculins.

J'auditionne beaucoup, des sociologues, des psychologues, des anthropologues, des experts, quoi, des gens intelligents, qui ont tous des avis contradictoires sur ces questions. Moi je ne peux pas dire aujourd'hui ce qui est bien et ce qui est mal. Je dois faire la loi, dans une démarche de recherche d'égalité des droits.
Je suis donc rétif à l'ouverture du mariage et de l'adoption aux seuls couples lesbiens, et donc amené à me poser des questions. Il y a celui de l'altérité: pour qu'on enfant ce qu'on construise bien, il faut qu'il soit élevé et par un homme et par une femme. Mais les familles monoparentales se sont développées. A partir de là, les sociologues ont beaucoup affirmé quand à l'importance du père ou de la mère, tant et si bien que je pense qu'aujourd'hui, il faut ouvrir aux deux.

Quelle place va rester au PACS ? Ce dernier devrait-il être supprimé ?

Le mariage n’est pas la seule forme d’union entre deux être qui existe dans notre société. Il y a les unions de fait, c'est-à-dire les concubinages, et des unions juridiques, qu’elles prennent la forme du PACS ou du mariage. Les homosexuels ne peuvent pas aujourd’hui se marier. Le jour où l’égalité de droit sera parfaite, ce ne sera pas pour autant la mort du PACS.
Le PACS est une union différente du mariage, qui implique des droits et des devoirs moins contraignants que ceux du mariage. Donc une forme d'union qui va au-delà d'une situation de fait qu'est le concubinage mais moins contraignant que le mariage. La rupture est un problème et je ne pense pas qu'on devrait être amené à voir un juge pour rompre un PACS.
Un mariage se fait devant un officier d'état civil qui recueille le souhait de 2 personnes de se marier. Un PACS est enregistré par le Tribunal Administratif qui constate la volonté de deux êtres de s’unir. On dit souvent que le PACS est un mariage sans la fidélité et sans le divorce.
Comme la courbe de mariage, bien qu’elle aie un peu augmenté en 2000, continue sur sa baisse, le PACS continuant sa progression, je pense que c'est une forme d'union originale. On ne dispose pas encore de statistiques, mais je suis persuadé qu'il y a plus de PACS hétérosexuels qu'homosexuels.

Ne pensez-vous pas que le mariage homosexuel ferait moins débat et étalerait moins de passions s’il n’était fait usage du terme « mariage », dont vous savez l’origine et le contenu religieux qui est derrière ?

Non, et ce pour au moins deux raisons. J'ai rencontré des collègues du PSOE en Espagne le jour où ils ont ouvert le mariage aux couples homosexuels. Certes, certains articles dans les journaux montrent que l'Eglise catholique est montée au créneau, un peu tardivement, en demandant au roi de ne pas ratifier le projet de loi. Mais on n’a pas vu de manifestation dans les Cortes, même des députés du PP ont voté pour le projet de loi, et des associations de gays et lesbiens manifestaient dehors leur joie. Le fait est que la société espagnole est une société dynamique, sortie récemment, il y a une trentaine d’année, d’une dictature militaire, et qui a confiance en elle, où l'on m'a dit qu'on a voté pour le mariage comme on a voté pour la constitution européenne, de manière confiante.
D'autre part, je suis républicain et donc vigilant contre toute dérive communautariste et je garde le souvenir du vote du PACS. Nous avons toujours voulu que le PACS soit ouvert aux couples homos et hétéros. Au nom du républicanisme, nous voulions que le PACS soit dès le début ouvert à tous les couples.
J'avais à ce moment interrogé des associations familiales très opposées au PACS. J'ai fait une table ronde, et à un moment donné, des associations religieuses me font savoir que le PACS serait plus acceptable s'il n'était fait que pour les couples homosexuels. Ce qui m'a renforcé dans ma conviction qu'il fallait l’étendre aux couples de sexe opposé, tout comme aujourd'hui, je souhaite que le mariage soit ouvert aux couples homosexuels.

Pensez-vous que l’opinion publique française soit prête pour le mariage homosexuel ? Nous pensons notamment au débat provoqué par le mariage organisé à la mairie de Bègles par M. Noël Mamère.

Hors de toute polémique, de toute recherche de succès médiatique, sans stigmatiser Mamère, qui est un ami, faire le mariage de Bègles était la pire façon de faire évoluer la loi.
Il ne faut surtout pas considérer que le droit a une vertu scientifique, ce serait une erreur. M. Mamère avance que si on lit le Code Civil, le mariage de Bègles serait légal. Ce n'est pas vrai, d'ailleurs M. Mamère, au même moment où il avance que le Code Civil le permet, veut le changer avec d'autres députés. Il faut donc changer la loi clairement, après un débat.
Bègles prenait les gens à rebrousse-poil. Moi-même, j’ai contribué à tenter de faire prendre conscience d'une autre image de l'homosexualité que celle donnée par cet évènement à l’aspect médiatique prononcé. Mais enfin, une majorité de Français assez large est aujourd'hui ouverte au mariage homosexuel.

Est-il possible de séparer le mariage de l’adoption ?

Missionné par le bureau national du PS pour travailler l'annexe d'une proposition de loi, je pense que non. Si vous regardez en Espagne, on a ouvert les deux, car c'est ce que veux la cohérence. Si ça présente une complexité réelle, bien sûr, ne retardons pas pour autant le mariage gay et séparons un temps les deux.

A l’origine, le mariage est tout de même la volonté manifestée par deux êtres de s’unir pour fonder une famille et avoir des enfants. Quelle est votre conception du mariage ?

Le mariage n’est pas aussi ancien que ça. A un moment donné, l'Eglise s’est mêlée du mariage pour stabiliser la société, les couples et les familles. Mais regardons la notion de patrimoine: la transmission de biens. Pendant longtemps, le mariage était une institution bourgeoise ou aristocratique. Dans les campagnes, les gens ne se mariaient pas, faute de patrimoine à transmettre. Et même au XIXème siècle, les gens vivaient assez majoritairement d'unions libres. Il ne faut pas qu'on ait une image du mariage selon laquelle il s'appliquait à toute la société auparavant.
Il y a aussi la question de la reproduction bien sûr, et aussi la dimension religieuse. C'est vrai qu'on se marie encore beaucoup pour fonder une famille. Les premiers articles du Code Civil sont très clairs à ce sujet. Mais force est de constater qu'aujourd'hui, pour les gens qui se marient, la question des enfants est largement dissociée. Aujourd'hui, 45% des premiers nés naissent aujourd'hui hors mariage…

Comment se répartissent sur la question du mariage homosexuel les parlementaires faisant partie de la mission sur la famille que vous dirigez à l’Assemblée Nationale ?

Je pense que MM. Morano, Martinez, Huygues sont plutôt pour, tandis que Boutin, Delnatte et Nesme sont plutôt contre. Mais je ne saurais porter d’affirmation catégorique quant à leur opinion sur le sujet

Y’a-t-il une volonté de la droite de la droite de se réconcilier avec les gays ? A-t-elle réussi ?

Ca bouge un peu, mais pas beaucoup. La droite a beaucoup combattu le PACS (120 députés étaient dans l'hémicycle en première lecture pour voter contre). S’il n’y avait pas derrière de revendication active des gays, il n'y aurait pas d'amélioration du PACS. Il faut toujours forcer la droite pour qu'elle lâche du lest.
Autre exemple, en seconde lecture de la HALDE, une proposition de loi que j’avais fait a été rejetée sèchement. Ils ont décidé qu'on ne passait pas l'examen des articles de ma proposition de loi. En commission, il y a avait une telle hostilité à l'égard de ma proposition de loi qu'ils ont voté contre en novembre 2003. Cela dit, la seconde lecture de la HALDE a vu enfin voir le jour, et c’est une bonne chose, un dispositif de lutte contre l'homophobie.
La mission sur famille et droits de l'enfant ne va pas révolutionner la droite sur ces questions. Elle est avant tout le fruit de la volonté du président Debré de faire en sorte que l'Assemblée Nationale réfléchisse un peu sur ces questions dont tout le monde parle. Il a donc souhaité que ce soit un député socialiste qui la préside dans un sens de pluralisme, mais je n'ai pas l'impression d'un grand volontarisme. Il faut toujours forcer.

Le mariage gay est-il un moyen d’embourgeoisement des gays et lesbiens, qui pourrait les faire voter à droite ?

Le PACS déjà facteur d'intégration. Pour la première fois, on reconnaît les couples homosexuels dans le Code Civil. Le PACS a un caractère véritablement subversif. Compte tenu de la situation des gays et lesbiens dans la France d'aujourd'hui, au-delà du PACS, le débat qui a traversé la France en 98-99 fait que les homosexuels ne vivent plus dans la marginalité qui fut la leur. En un sens, l’opposition farouche de la droite et le débat passionné qu’elle a provoqué nous a rendu service, en ancrant l’homosexualité dans les esprits.
Mais en ce qui concerne le vote gay, les déterminismes et les taux sont tellement complexes. Certains votent à gauche pour donner des droits et faire tomber les discriminations. Mais je pense que c'est avant tout une question d'intérêt social.
Cependant, il faut voir que c’est avant tout la gauche qui a fait progressé les intérêts des gays au sein de la société française. Il a fallu attendre 1980 pour que l'homosexualité soit dépénalisée, fin des années 70/80 pour qu’il y ait enfin une véritable visibilité des homosexuels. Il y a eu également le sida qui est passé comme drame humain et comme tragédie qui a fait qu’on s’est intéressé aux homosexuels.
Qu'il y ait une visibilité exacerbée, un réflexe identitaire basé sur l'orientation sexuelle, c'est une réaction assez normale. Si on vit dans des sociétés où chaque communauté met en avant sa langue, son orientation sexuelle, sa religion, effectivement, cela s'explique. Mais dans une société républicaine comme la nôtre, je crois que les homosexuels demandent juste le droit à l’indifférence.

Vous sentez-vous un sentiment d'obligation de porter une revendication ?

Le mariage de Bègles n’est pas l’émergence d'une revendication associative. C’est une opération médiatique, portée par Noël Mamère, entouré de quelques avocats et juristes. Ceux-ci ne nous ont gère aidé en 98-99 lorsqu’il a élaborer et faire passer le PACS, en disant qu'il aurait fallu tout de suite le mariage homosexuel. D'ailleurs, leur revendication prioritaire, c'était bien plutôt l'adoption, la lutte contre les discriminations, contre l'homophobie, etc.
Ces personnes sont par exemple Borillo, Mécary, avocate, Didier Eribon, philosophe. Ils ne nous ont pas aidé lors du débat du PACS, où nous avons été confronté aux franges les plus réactionnaires de la société, alors que eux s'enfonçaient dans une critique de gauche du PACS.
En 99, soit on faisait le PACS, soit on ne faisait rien. Je crois que ces gens n'ont surtout pas supporté qu'on fasse la reconnaissance officielle de l’union homosexuelle par le Code Civil sans eux, Bègles était un peu leur petite revanche.

Quel est l’équilibre des forces au sein du PS, entre ceux qui, comme Jospin ou Danielle Mitterrand, s’opposent au mariage homosexuel, et ceux qui, comme Dominique Strauss-Kahn ou Bertrad Delanoë, y sont favorables ?

Confronté au mariage de Bègles, le PS a été mis sous pression, au pied du mur, amené à se positionner. J'ai beaucoup regretté ça. J'aurais préféré la pédagogie, la persuasion, le débat. On a dû adopter une position en mai 2004, qui est aujourd'hui ma Bible pour mon groupe de travail au sein du PS, lequel est distinct de la Mission sur la famille que je préside à l’Assemblée Nationale. On essaye de remplir notre mandat, lequel comprend l'écriture de la proposition de loi, l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, faire avancer le PACS, améliorer la lutte contre l'homophobie, etc.
Mais d’une manière générale, le Parti Socialiste est favorable au mariage homosexuel ; le débat a déjà eu lieu. Le débat aujourd’hui porte sur l'adoption.

Pensez-vous que le mariage homosexuel sera inséré au sein du programme 2007 du PS ?

Je me mobiliserai pour qu'elles soient insérées. Je ne me concentre pas sur l'état des forces.

Le PS après le 21 avril a donné l’impression de plus s'être plus préoccupé de défendre le droit de la majorité des gens – pour une reconquête des couches populaires - que des droits des minorités. Qu’en pensez-vous ?

C'est une bonne interrogation. On a perdu le 21 avril parce qu'on avait adopté le PACS et d'autres lois en faveur de minorités qui ont fait penser qu'on ne s'occupait pas assez de la majorité des gens. Parce que les gens sont fragilisés, précarisés sur le plan social, ils ont besoin d'être protégés et développent un réflexe conservateur. Il y a cette idée que les Français sont conservateurs, et si le PS devait admettre cette idée, il ne bougerait pas beaucoup.
Soit on va voir chaque communauté pour lui parler des problèmes qui lui sont propres, soit on reste dans la démarche de toujours du PS d'avoir un projet global et de porter à chaque citoyen français le même discours.

Les associations sont-elles représentatives des gays et lesbiennes ?

Oui, même si les militants sont en nombre limité. Je les trouve assez représentatifs compte du fait que c'est le cas traditionnel pour les associations en France. Act Up est un peu plus spécial.

Peut-on parler à votre sens de communauté homosexuelle ?

Non. Il y a un quartier homosexuel à Paris, qu'on appelle le Marais, où il y a des commerces, dont l'offre se concentre sur les homosexuels. Qu'ils aiment bien se retrouver ensemble, parce qu'ils ont des traits en commun, on pourrait trouver d'autres communautés qui font de même. Mais l'idée qu'il y aurait une communauté homosexuelle, je ne pense pas. On ne peut pas non plus bien sûr parler de lobby homosexuel.
Le refus du communautarisme était d’ailleurs mon grand argument à l’Assemblée Nationale pour légaliser le mariage homosexuel : plus un groupe social est discriminé, plus il a tendance à se regrouper, à se communautariser, etc. Manifestement, cela n’a pas encore suffit pour convaincre les députés de la majorité.

La Gay Pride ne représente t’elle pas pourtant le triomphe d’un communautarisme gay ?

La Gay Pride n'est pas, comme on a voulu le dire, une fête communautariste. 500 000 personnes, où il y a sans doute plus d'hétéros que de gays et lesbiens, je pense que c'est une grande fête de la tolérance.
Il est vrai que le côté folklorique peut véhiculer une certaine image de l'homosexuel masculin, qui serait plus féminisé, etc. Mais il y a surtout une certaine part de dérision provenant de la souffrance qu'ils ont subi du fait des discriminations ou du sida. Ils sont donc, c'est vrai, porteur très souvent de leur propre caricature. Il n’y a qu’à voir la façon dont ils s’amusent de l’image qu’on leur colle dans des comédies comme La Cage aux Folles, qu’ils prennent à la dérision.

Christine Boutin pense que la légalisation du mariage homosexuel est aujourd'hui actée et que la véritable question, désormais, c’est la possibilité d'instaurer un nouvel ordre social remettant en cause l'ordre social traditionnel.

J'y suis tout à fait insensible, notamment par rapport à la théorie de Boutin de l'altérité. Elle a changé son discours, pour tenter de montrer qu'elle est moins réac qu'on ne le pensait. Je suis très étonné de voir que mes collèges UMP rêvent de retrouver l'âge d'or de la famille, alors que je pense qu'il n'a jamais existé. Ils me donnent l'impression de se servir du droit pour retrouver un modèle social dominant, avec un homme et une femme. Mais c'est un modèle familial parmi d'autre, puisque plus de la moitié des premier-nés aujourd'hui naissent hors mariage : vous avez des couples pacsés, des couples concubins, des couples divorcés, des familles recomposés. Il n’y a pas un, mais des modèles familiaux et chacun, à partir d'un choix qui lui est offert, choisi et organise sa vie privée. Et le Code Civil ne doit pas être une restriction à cette liberté de choix. Toutes les théories que Christine Boutin met par-dessus cette réalité n'ont que peu d'intérêt.

Pensez-vous qu’il y a une unanimité au sein de l’opinion publique européenne sur cette question ? Peut-il se produire un effet domino par rapport aux pays ayant déjà légalité le mariage homosexuel ?

Le droit européen va en effet dans le sens de la légalisation du mariage homosexuel et de l’homoparentalité, en prohibant notamment les discriminations sous toutes leurs formes. Vous avez déjà l’article 13 du traité d’Amsterdam, la Charte des Droits Fondamentaux, laquelle est incluse dans le projet de traité européen sur la Constitution, etc. On a au niveau européen un cadre juridique non discriminatoire. Il faudra donc faire tomber les discriminations. On peut donc dire qu’il y a donc une tendance naturelle vers l'institution du mariage au niveau juridique.
Toute discrimination fondée sur l'orientation sexuelle (article 2-80) est interdite, donc cela amènera naturellement le mariage homosexuel. Sur la base également de la Charte des Droits Fondamentaux, on pourra dire que le fait de ne pas ouvrir le mariage aux couples homosexuels est une discrimination.
Des associations homosexuelles, polonaises par exemple, alors que la Pologne, étant l’un des pays les plus catholiques de l’Union, pourrait se révéler être l’un des plus hostiles au droit au mariage et à l’adoption pour les homosexuels, pourraient utiliser ce droit comme levier pour faire légaliser le mariage homosexuel.

Qu’en est-il des transsexuels ?

Je pense qu’en ce qui les concerne, ça passe d'abord par faire reconnaître l'identité de genre, puisque c'est comme ça qu'on appelle en général les personnes transsexuelles. C’est l’article 225-1 de la Halde, dans lequel j'ai tenté d'élargir la notion de discrimination à l'identité de genre. Je n'y suis pas arrivé, donc pour le moment, cette notion n'est pas inscrite dans le Code Civil.

Pour vous, le mariage homosexuel doit-il être synonyme de progrès ? Le progrès passe t’il forcément par le mariage homosexuel ?

Je ne me suis pas senti rebelle lorsqu'on a fait le PACS. Cette revendication est née à la fin des années 90, du fait notamment de l’épidémie du sida et des ravages qu’elle a causé au sein des homosexuels. Des homosexuels masculins qui vivaient en couple tombaient malades, avec un compagnon également malade. A l'époque on en meurt beaucoup et rapidement. L'idée est née que dans un réflexe de solidarité, le compagnon qui avait la chance d'avoir une protection sociale pouvait lui en faire bénéficier, c'est-à-dire que celui qui ne pouvait plus bénéficier de la protection sociale pour sa maladie pouvait être l'ayant droit de son partenaire homosexuel.
Il y a avait également le fait que le compagnon d'un défunt pouvait se voir jeté hors de la maison commune si celle-ci appartenait au défunt. On a donc estimé qu'il fallait faire un contrat d'union civile. Aujourd'hui, le PACS permet automatiquement le transfert de bail.

Ne suffit-il alors pas de faire du PACS un contrat équivalent au mariage avec les mêmes droits, sans en avoir le nom ?

Je ne suis pas un fan du mariage homosexuel. Un PACS qui aurai les mêmes droits que des couples mariés me plaît bien car il laisse beaucoup plus de droits aux couples ; c'est une forme d'union plus moderne. Pour le moment, tel que le gouvernement l'annonce jusqu'à présent, on n'est pas sur un alignement parfait. Pour nous, il s'agit tout simplement de ne plus faire de discrimination face à l'institution qu'est le mariage.

Pensez-vous que nous devrions supprimer l’institution civile qu’est le mariage ?

Pourquoi supprimer une institution qui réunit chaque année 200 ou 300 000 personnes ? Les gens y sont attachés et s'y retrouvent. Ayant une conception ouverte de la société, avec une liberté de choix, je ne vois pas pourquoi je m’y opposerais. C'est déjà bien assez difficile de mener sa vie de tous les jours sans rajouter des problèmes aux gens.

Alain Minc s’énerve de l’activisme des associations gays et nous dit que la légalisation du mariage homosexuel sonnerait également le glas du militantisme gay, faute de cause à défendre. Qu’en pensez-vous ?

Je ne crois pas que le militantisme gay soit énervant comme semble le dire Alain Minc ; il est même plutôt gai et festif. Sachons également, quant au glas prétendu du militantisme homosexuel, qu’il y a parfois dans l’Histoire des phases de régression. Entre 1942 et 1981, l’homosexualité était pénalement répréhensible, ce qui n’était pas le cas avant cette période. Proust n’a pas connu l’homosexualité condamnée au niveau juridique. Donc je ne crois pas à l’extinction naturelle des revendications gays suite à la reconnaissance du mariage homosexuel.