Etes-vous favorable ou non au mariage homosexuel ?
Ma position est uniquement basée sur la notion d’égalité
des droits, qui est principe républicain. L’interdiction
faite aux personnes de même sexe de se marier est une
discrimination. Les couples de même sexe doivent pouvoir
accéder au mariage, c'est une question d'égalité.
Je ne me positionne pas quant à l'idée que je
me fais du mariage ; c'est juste une question de principe.
Les gays et lesbiens n'ont pas massivement envie de se marier
demain, mais ils ne supportent pas l'idée qu'on leur
interdise le mariage. Ils veulent juste avoir cette possibilité.
Etes vous également favorable à l'adoption
?
Oui, surtout, par rapport au problème de la filiation.
Je suis surtout soucieux de l'intérêt de l'enfant.
Partant de l'intérêt supérieur de l'enfant,
et d'une mission à l'Assemblée Nationale sur
la famille et l'enfant, où nous étudions le
dispositif de protection de l'enfance, ainsi que le placement,
terme maladroit qu'on pourrait remplacer par accueil. Nombre
d'enfants doivent être retirés de leur milieu
familial pour retrouver un cadre plus équilibré,
cadre qui pourrait être une famille de même sexe.
Cependant, comme il y a peu d'enfants à adopter au
niveau national, je pars de la situation de fait, une réalité,
qui concerne quelques centaines de milliers d'enfants en France,
qui sont élevés par des personnes de même
sexe, parce que l'un des parents qui les a eu par filiation
s'est séparé de son conjoint, et a refait sa
vie avec une personne de même sexe. Des juges aux affaires
familiales ont été saisis, qui ont jugé
qu'il fallait que l'enfant soit élevé par la
personne qui a refait sa vie avec une personne de même
sexe. On voit donc des gamins vivre de manière très
équilibrée, alors qu’ils vivent au sein
d’un ménage de parents de même sexe.
Je pense qu'en réfléchissant au statut de beau-parent,
qu'on pourrait appliquer aux personnes de même sexe,
on pourrait assurer un cadre juridique sécurisant pour
l'enfant.
C'est pour cela que je suis pour l'homoparentalité,
quand bien même ce n'est qu'un aspect du problème.
Que pensez-vous cependant de l’absence d’une
figure maternelle dans le couple quant au développement
de l’enfant ? C’est notamment l’argument
de Claude Habib pour réclamer la légalisation
de l’adoption pour les couples lesbiens, mais pas pour
les couples homosexuels masculins.
J'auditionne beaucoup, des sociologues, des psychologues,
des anthropologues, des experts, quoi, des gens intelligents,
qui ont tous des avis contradictoires sur ces questions. Moi
je ne peux pas dire aujourd'hui ce qui est bien et ce qui
est mal. Je dois faire la loi, dans une démarche de
recherche d'égalité des droits.
Je suis donc rétif à l'ouverture du mariage
et de l'adoption aux seuls couples lesbiens, et donc amené
à me poser des questions. Il y a celui de l'altérité:
pour qu'on enfant ce qu'on construise bien, il faut qu'il
soit élevé et par un homme et par une femme.
Mais les familles monoparentales se sont développées.
A partir de là, les sociologues ont beaucoup affirmé
quand à l'importance du père ou de la mère,
tant et si bien que je pense qu'aujourd'hui, il faut ouvrir
aux deux.
Quelle place va rester au PACS ? Ce dernier devrait-il
être supprimé ?
Le mariage n’est pas la seule forme d’union entre
deux être qui existe dans notre société.
Il y a les unions de fait, c'est-à-dire les concubinages,
et des unions juridiques, qu’elles prennent la forme
du PACS ou du mariage. Les homosexuels ne peuvent pas aujourd’hui
se marier. Le jour où l’égalité
de droit sera parfaite, ce ne sera pas pour autant la mort
du PACS.
Le PACS est une union différente du mariage, qui implique
des droits et des devoirs moins contraignants que ceux du
mariage. Donc une forme d'union qui va au-delà d'une
situation de fait qu'est le concubinage mais moins contraignant
que le mariage. La rupture est un problème et je ne
pense pas qu'on devrait être amené à voir
un juge pour rompre un PACS.
Un mariage se fait devant un officier d'état civil
qui recueille le souhait de 2 personnes de se marier. Un PACS
est enregistré par le Tribunal Administratif qui constate
la volonté de deux êtres de s’unir. On
dit souvent que le PACS est un mariage sans la fidélité
et sans le divorce.
Comme la courbe de mariage, bien qu’elle aie un peu
augmenté en 2000, continue sur sa baisse, le PACS continuant
sa progression, je pense que c'est une forme d'union originale.
On ne dispose pas encore de statistiques, mais je suis persuadé
qu'il y a plus de PACS hétérosexuels qu'homosexuels.
Ne pensez-vous pas que le mariage homosexuel ferait
moins débat et étalerait moins de passions s’il
n’était fait usage du terme « mariage »,
dont vous savez l’origine et le contenu religieux qui
est derrière ?
Non, et ce pour au moins deux raisons. J'ai rencontré
des collègues du PSOE en Espagne le jour où
ils ont ouvert le mariage aux couples homosexuels. Certes,
certains articles dans les journaux montrent que l'Eglise
catholique est montée au créneau, un peu tardivement,
en demandant au roi de ne pas ratifier le projet de loi. Mais
on n’a pas vu de manifestation dans les Cortes, même
des députés du PP ont voté pour le projet
de loi, et des associations de gays et lesbiens manifestaient
dehors leur joie. Le fait est que la société
espagnole est une société dynamique, sortie
récemment, il y a une trentaine d’année,
d’une dictature militaire, et qui a confiance en elle,
où l'on m'a dit qu'on a voté pour le mariage
comme on a voté pour la constitution européenne,
de manière confiante.
D'autre part, je suis républicain et donc vigilant
contre toute dérive communautariste et je garde le
souvenir du vote du PACS. Nous avons toujours voulu que le
PACS soit ouvert aux couples homos et hétéros.
Au nom du républicanisme, nous voulions que le PACS
soit dès le début ouvert à tous les couples.
J'avais à ce moment interrogé des associations
familiales très opposées au PACS. J'ai fait
une table ronde, et à un moment donné, des associations
religieuses me font savoir que le PACS serait plus acceptable
s'il n'était fait que pour les couples homosexuels.
Ce qui m'a renforcé dans ma conviction qu'il fallait
l’étendre aux couples de sexe opposé,
tout comme aujourd'hui, je souhaite que le mariage soit ouvert
aux couples homosexuels.
Pensez-vous que l’opinion publique française
soit prête pour le mariage homosexuel ? Nous pensons
notamment au débat provoqué par le mariage organisé
à la mairie de Bègles par M. Noël Mamère.
Hors de toute polémique, de toute recherche de succès
médiatique, sans stigmatiser Mamère, qui est
un ami, faire le mariage de Bègles était la
pire façon de faire évoluer la loi.
Il ne faut surtout pas considérer que le droit a une
vertu scientifique, ce serait une erreur. M. Mamère
avance que si on lit le Code Civil, le mariage de Bègles
serait légal. Ce n'est pas vrai, d'ailleurs M. Mamère,
au même moment où il avance que le Code Civil
le permet, veut le changer avec d'autres députés.
Il faut donc changer la loi clairement, après un débat.
Bègles prenait les gens à rebrousse-poil. Moi-même,
j’ai contribué à tenter de faire prendre
conscience d'une autre image de l'homosexualité que
celle donnée par cet évènement à
l’aspect médiatique prononcé. Mais enfin,
une majorité de Français assez large est aujourd'hui
ouverte au mariage homosexuel.
Est-il possible de séparer le mariage de l’adoption
?
Missionné par le bureau national du
PS pour travailler l'annexe d'une proposition de loi, je pense
que non. Si vous regardez en Espagne, on a ouvert les deux,
car c'est ce que veux la cohérence. Si ça présente
une complexité réelle, bien sûr, ne retardons
pas pour autant le mariage gay et séparons un temps
les deux.
A l’origine, le mariage est tout de même
la volonté manifestée par deux êtres de
s’unir pour fonder une famille et avoir des enfants.
Quelle est votre conception du mariage ?
Le mariage n’est pas aussi ancien que ça. A un
moment donné, l'Eglise s’est mêlée
du mariage pour stabiliser la société, les couples
et les familles. Mais regardons la notion de patrimoine: la
transmission de biens. Pendant longtemps, le mariage était
une institution bourgeoise ou aristocratique. Dans les campagnes,
les gens ne se mariaient pas, faute de patrimoine à
transmettre. Et même au XIXème siècle,
les gens vivaient assez majoritairement d'unions libres. Il
ne faut pas qu'on ait une image du mariage selon laquelle
il s'appliquait à toute la société auparavant.
Il y a aussi la question de la reproduction bien sûr,
et aussi la dimension religieuse. C'est vrai qu'on se marie
encore beaucoup pour fonder une famille. Les premiers articles
du Code Civil sont très clairs à ce sujet. Mais
force est de constater qu'aujourd'hui, pour les gens qui se
marient, la question des enfants est largement dissociée.
Aujourd'hui, 45% des premiers nés naissent aujourd'hui
hors mariage…
Comment se répartissent sur la question du
mariage homosexuel les parlementaires faisant partie de la
mission sur la famille que vous dirigez à l’Assemblée
Nationale ?
Je pense que MM. Morano, Martinez, Huygues sont plutôt
pour, tandis que Boutin, Delnatte et Nesme sont plutôt
contre. Mais je ne saurais porter d’affirmation catégorique
quant à leur opinion sur le sujet
Y’a-t-il une volonté de la droite de
la droite de se réconcilier avec les gays ? A-t-elle
réussi ?
Ca bouge un peu, mais pas beaucoup. La droite a beaucoup combattu
le PACS (120 députés étaient dans l'hémicycle
en première lecture pour voter contre). S’il
n’y avait pas derrière de revendication active
des gays, il n'y aurait pas d'amélioration du PACS.
Il faut toujours forcer la droite pour qu'elle lâche
du lest.
Autre exemple, en seconde lecture de la HALDE, une proposition
de loi que j’avais fait a été rejetée
sèchement. Ils ont décidé qu'on ne passait
pas l'examen des articles de ma proposition de loi. En commission,
il y a avait une telle hostilité à l'égard
de ma proposition de loi qu'ils ont voté contre en
novembre 2003. Cela dit, la seconde lecture de la HALDE a
vu enfin voir le jour, et c’est une bonne chose, un
dispositif de lutte contre l'homophobie.
La mission sur famille et droits de l'enfant ne va pas révolutionner
la droite sur ces questions. Elle est avant tout le fruit
de la volonté du président Debré de faire
en sorte que l'Assemblée Nationale réfléchisse
un peu sur ces questions dont tout le monde parle. Il a donc
souhaité que ce soit un député socialiste
qui la préside dans un sens de pluralisme, mais je
n'ai pas l'impression d'un grand volontarisme. Il faut toujours
forcer.
Le mariage gay est-il un moyen d’embourgeoisement
des gays et lesbiens, qui pourrait les faire voter à
droite ?
Le PACS déjà facteur d'intégration. Pour
la première fois, on reconnaît les couples homosexuels
dans le Code Civil. Le PACS a un caractère véritablement
subversif. Compte tenu de la situation des gays et lesbiens
dans la France d'aujourd'hui, au-delà du PACS, le débat
qui a traversé la France en 98-99 fait que les homosexuels
ne vivent plus dans la marginalité qui fut la leur.
En un sens, l’opposition farouche de la droite et le
débat passionné qu’elle a provoqué
nous a rendu service, en ancrant l’homosexualité
dans les esprits.
Mais en ce qui concerne le vote gay, les déterminismes
et les taux sont tellement complexes. Certains votent à
gauche pour donner des droits et faire tomber les discriminations.
Mais je pense que c'est avant tout une question d'intérêt
social.
Cependant, il faut voir que c’est avant tout la gauche
qui a fait progressé les intérêts des
gays au sein de la société française.
Il a fallu attendre 1980 pour que l'homosexualité soit
dépénalisée, fin des années 70/80
pour qu’il y ait enfin une véritable visibilité
des homosexuels. Il y a eu également le sida qui est
passé comme drame humain et comme tragédie qui
a fait qu’on s’est intéressé aux
homosexuels.
Qu'il y ait une visibilité exacerbée, un réflexe
identitaire basé sur l'orientation sexuelle, c'est
une réaction assez normale. Si on vit dans des sociétés
où chaque communauté met en avant sa langue,
son orientation sexuelle, sa religion, effectivement, cela
s'explique. Mais dans une société républicaine
comme la nôtre, je crois que les homosexuels demandent
juste le droit à l’indifférence.
Vous sentez-vous un sentiment d'obligation de porter
une revendication ?
Le mariage de Bègles n’est pas l’émergence
d'une revendication associative. C’est une opération
médiatique, portée par Noël Mamère,
entouré de quelques avocats et juristes. Ceux-ci ne
nous ont gère aidé en 98-99 lorsqu’il
a élaborer et faire passer le PACS, en disant qu'il
aurait fallu tout de suite le mariage homosexuel. D'ailleurs,
leur revendication prioritaire, c'était bien plutôt
l'adoption, la lutte contre les discriminations, contre l'homophobie,
etc.
Ces personnes sont par exemple Borillo, Mécary, avocate,
Didier Eribon, philosophe. Ils ne nous ont pas aidé
lors du débat du PACS, où nous avons été
confronté aux franges les plus réactionnaires
de la société, alors que eux s'enfonçaient
dans une critique de gauche du PACS.
En 99, soit on faisait le PACS, soit on ne faisait rien. Je
crois que ces gens n'ont surtout pas supporté qu'on
fasse la reconnaissance officielle de l’union homosexuelle
par le Code Civil sans eux, Bègles était un
peu leur petite revanche.
Quel est l’équilibre des forces au sein
du PS, entre ceux qui, comme Jospin ou Danielle Mitterrand,
s’opposent au mariage homosexuel, et ceux qui, comme
Dominique Strauss-Kahn ou Bertrad Delanoë, y sont favorables
?
Confronté au mariage de Bègles, le PS a été
mis sous pression, au pied du mur, amené à se
positionner. J'ai beaucoup regretté ça. J'aurais
préféré la pédagogie, la persuasion,
le débat. On a dû adopter une position en mai
2004, qui est aujourd'hui ma Bible pour mon groupe de travail
au sein du PS, lequel est distinct de la Mission sur la famille
que je préside à l’Assemblée Nationale.
On essaye de remplir notre mandat, lequel comprend l'écriture
de la proposition de loi, l’ouverture du mariage aux
couples de même sexe, faire avancer le PACS, améliorer
la lutte contre l'homophobie, etc.
Mais d’une manière générale, le
Parti Socialiste est favorable au mariage homosexuel ; le
débat a déjà eu lieu. Le débat
aujourd’hui porte sur l'adoption.
Pensez-vous que le mariage homosexuel sera inséré
au sein du programme 2007 du PS ?
Je me mobiliserai pour qu'elles soient insérées.
Je ne me concentre pas sur l'état des forces.
Le PS après le 21 avril a donné l’impression
de plus s'être plus préoccupé de défendre
le droit de la majorité des gens – pour une reconquête
des couches populaires - que des droits des minorités.
Qu’en pensez-vous ?
C'est une bonne interrogation. On a perdu le 21 avril parce
qu'on avait adopté le PACS et d'autres lois en faveur
de minorités qui ont fait penser qu'on ne s'occupait
pas assez de la majorité des gens. Parce que les gens
sont fragilisés, précarisés sur le plan
social, ils ont besoin d'être protégés
et développent un réflexe conservateur. Il y
a cette idée que les Français sont conservateurs,
et si le PS devait admettre cette idée, il ne bougerait
pas beaucoup.
Soit on va voir chaque communauté pour lui parler des
problèmes qui lui sont propres, soit on reste dans
la démarche de toujours du PS d'avoir un projet global
et de porter à chaque citoyen français le même
discours.
Les associations sont-elles représentatives
des gays et lesbiennes ?
Oui, même si les militants sont en nombre limité.
Je les trouve assez représentatifs compte du fait que
c'est le cas traditionnel pour les associations en France.
Act Up est un peu plus spécial.
Peut-on parler à votre sens
de communauté homosexuelle ?
Non. Il y a un quartier homosexuel à Paris, qu'on appelle
le Marais, où il y a des commerces, dont l'offre se
concentre sur les homosexuels. Qu'ils aiment bien se retrouver
ensemble, parce qu'ils ont des traits en commun, on pourrait
trouver d'autres communautés qui font de même.
Mais l'idée qu'il y aurait une communauté homosexuelle,
je ne pense pas. On ne peut pas non plus bien sûr parler
de lobby homosexuel.
Le refus du communautarisme était d’ailleurs
mon grand argument à l’Assemblée Nationale
pour légaliser le mariage homosexuel : plus un groupe
social est discriminé, plus il a tendance à
se regrouper, à se communautariser, etc. Manifestement,
cela n’a pas encore suffit pour convaincre les députés
de la majorité.
La Gay Pride ne représente t’elle pas
pourtant le triomphe d’un communautarisme gay ?
La Gay Pride n'est pas, comme on a voulu
le dire, une fête communautariste. 500 000 personnes,
où il y a sans doute plus d'hétéros que
de gays et lesbiens, je pense que c'est une grande fête
de la tolérance.
Il est vrai que le côté folklorique peut véhiculer
une certaine image de l'homosexuel masculin, qui serait plus
féminisé, etc. Mais il y a surtout une certaine
part de dérision provenant de la souffrance qu'ils
ont subi du fait des discriminations ou du sida. Ils sont
donc, c'est vrai, porteur très souvent de leur propre
caricature. Il n’y a qu’à voir la façon
dont ils s’amusent de l’image qu’on leur
colle dans des comédies comme La Cage aux Folles, qu’ils
prennent à la dérision.
Christine Boutin pense que la légalisation
du mariage homosexuel est aujourd'hui actée et que
la véritable question, désormais, c’est
la possibilité d'instaurer un nouvel ordre social remettant
en cause l'ordre social traditionnel.
J'y suis tout à fait insensible, notamment par rapport
à la théorie de Boutin de l'altérité.
Elle a changé son discours, pour tenter de montrer
qu'elle est moins réac qu'on ne le pensait. Je suis
très étonné de voir que mes collèges
UMP rêvent de retrouver l'âge d'or de la famille,
alors que je pense qu'il n'a jamais existé. Ils me
donnent l'impression de se servir du droit pour retrouver
un modèle social dominant, avec un homme et une femme.
Mais c'est un modèle familial parmi d'autre, puisque
plus de la moitié des premier-nés aujourd'hui
naissent hors mariage : vous avez des couples pacsés,
des couples concubins, des couples divorcés, des familles
recomposés. Il n’y a pas un, mais des modèles
familiaux et chacun, à partir d'un choix qui lui est
offert, choisi et organise sa vie privée. Et le Code
Civil ne doit pas être une restriction à cette
liberté de choix. Toutes les théories que Christine
Boutin met par-dessus cette réalité n'ont que
peu d'intérêt.
Pensez-vous qu’il y a une unanimité au
sein de l’opinion publique européenne sur cette
question ? Peut-il se produire un effet domino par rapport
aux pays ayant déjà légalité le
mariage homosexuel ?
Le droit européen va en effet dans le sens de la légalisation
du mariage homosexuel et de l’homoparentalité,
en prohibant notamment les discriminations sous toutes leurs
formes. Vous avez déjà l’article 13 du
traité d’Amsterdam, la Charte des Droits Fondamentaux,
laquelle est incluse dans le projet de traité européen
sur la Constitution, etc. On a au niveau européen un
cadre juridique non discriminatoire. Il faudra donc faire
tomber les discriminations. On peut donc dire qu’il
y a donc une tendance naturelle vers l'institution du mariage
au niveau juridique.
Toute discrimination fondée sur l'orientation sexuelle
(article 2-80) est interdite, donc cela amènera naturellement
le mariage homosexuel. Sur la base également de la
Charte des Droits Fondamentaux, on pourra dire que le fait
de ne pas ouvrir le mariage aux couples homosexuels est une
discrimination.
Des associations homosexuelles, polonaises par exemple, alors
que la Pologne, étant l’un des pays les plus
catholiques de l’Union, pourrait se révéler
être l’un des plus hostiles au droit au mariage
et à l’adoption pour les homosexuels, pourraient
utiliser ce droit comme levier pour faire légaliser
le mariage homosexuel.
Qu’en est-il des transsexuels ?
Je pense qu’en ce qui les concerne, ça passe
d'abord par faire reconnaître l'identité de genre,
puisque c'est comme ça qu'on appelle en général
les personnes transsexuelles. C’est l’article
225-1 de la Halde, dans lequel j'ai tenté d'élargir
la notion de discrimination à l'identité de
genre. Je n'y suis pas arrivé, donc pour le moment,
cette notion n'est pas inscrite dans le Code Civil.
Pour vous, le mariage homosexuel doit-il être
synonyme de progrès ? Le progrès passe t’il
forcément par le mariage homosexuel ?
Je ne me suis pas senti rebelle lorsqu'on a fait le PACS.
Cette revendication est née à la fin des années
90, du fait notamment de l’épidémie du
sida et des ravages qu’elle a causé au sein des
homosexuels. Des homosexuels masculins qui vivaient en couple
tombaient malades, avec un compagnon également malade.
A l'époque on en meurt beaucoup et rapidement. L'idée
est née que dans un réflexe de solidarité,
le compagnon qui avait la chance d'avoir une protection sociale
pouvait lui en faire bénéficier, c'est-à-dire
que celui qui ne pouvait plus bénéficier de
la protection sociale pour sa maladie pouvait être l'ayant
droit de son partenaire homosexuel.
Il y a avait également le fait que le compagnon d'un
défunt pouvait se voir jeté hors de la maison
commune si celle-ci appartenait au défunt. On a donc
estimé qu'il fallait faire un contrat d'union civile.
Aujourd'hui, le PACS permet automatiquement le transfert de
bail.
Ne suffit-il alors pas de faire du PACS un contrat
équivalent au mariage avec les mêmes droits,
sans en avoir le nom ?
Je ne suis pas un fan du mariage homosexuel.
Un PACS qui aurai les mêmes droits que des couples mariés
me plaît bien car il laisse beaucoup plus de droits
aux couples ; c'est une forme d'union plus moderne. Pour le
moment, tel que le gouvernement l'annonce jusqu'à présent,
on n'est pas sur un alignement parfait. Pour nous, il s'agit
tout simplement de ne plus faire de discrimination face à
l'institution qu'est le mariage.
Pensez-vous que nous devrions supprimer l’institution
civile qu’est le mariage ?
Pourquoi supprimer une institution qui réunit chaque
année 200 ou 300 000 personnes ? Les gens y sont attachés
et s'y retrouvent. Ayant une conception ouverte de la société,
avec une liberté de choix, je ne vois pas pourquoi
je m’y opposerais. C'est déjà bien assez
difficile de mener sa vie de tous les jours sans rajouter
des problèmes aux gens.
Alain Minc s’énerve de l’activisme
des associations gays et nous dit que la légalisation
du mariage homosexuel sonnerait également le glas du
militantisme gay, faute de cause à défendre.
Qu’en pensez-vous ?
Je ne crois pas que le militantisme gay soit énervant
comme semble le dire Alain Minc ; il est même plutôt
gai et festif. Sachons également, quant au glas prétendu
du militantisme homosexuel, qu’il y a parfois dans l’Histoire
des phases de régression. Entre 1942 et 1981, l’homosexualité
était pénalement répréhensible,
ce qui n’était pas le cas avant cette période.
Proust n’a pas connu l’homosexualité condamnée
au niveau juridique. Donc je ne crois pas à l’extinction
naturelle des revendications gays suite à la reconnaissance
du mariage homosexuel.
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