Projet Collectif Sciences Po 2005 : Mariage Homosexuel et homoparentalité
 
Fiche de lecture
Caroline Mecary- Avocate au barreau de Paris
Vers l'ouverture du mariage civil et républicain aux couples de personnes de même sexe ?

La question de l’ouverture du mariage civil aux personnes de même sexe a surgi sur la scène politique avec la publication en mars 2004, dans le journal Le Monde, du « Manifeste pour l’égalité des droits », co-signé notamment par Noël Mamère et Clémentine Autain. La célébration du mariage civil de Stéphane Chapin et Bertrand Charpentier le 5 juin 2004 par M. Mamère, maire de Bègles, va initier un débat politique et polémique sur un thème sociétal, qui n’est pas sans rappeler celui ayant entouré la mise en place de l’IVG.
Ce débat a vu s’opposer les anciens adversaires du PACS, qui en réclament son amélioration, à ceux qui l’ont promu, au nom d’un idéal égalitaire, et qui pourtant s’opposent à l’ouverture du mariage aux citoyens de même sexe. La teneur des échanges ont pu révéler à quel point l’opprobre qui pèse sur les homosexuels, reste vivace en France.

Pour répondre à la question posée, Caroline Mécary se propose tout d’abord de dresser les lacunes du PACS, puis d’examiner la problématique de l’ouverture du mariage avant d’envisager les réponses que le droit peut y apporter.

Les lacunes du PACS

L’adoption du PACS est le fruit d’un processus qui aura duré près de 10 ans. Instrument juridique destiné à régir des situations qui n’appelaient pas nécessairement à une réponse unique, le PACS règle le lien d’alliance pour les couples concubins homosexuels aussi bien qu’hétérosexuels sans pour autant régler les questions relatives à la filiation (autorité parentale, adoption…). Par son apparente simplicité, le PACS est séduisant et se veut à mi-chemin entre le mariage et l’union libre.
Mais dans les semaines qui ont suivi l’entrée en vigueur de la loi, des associations de protection des droits des lesbiennes et des gais ont mis en œuvre un observatoire du PACS qui a recensé les difficultés rencontrées par les usagers, afin d’en informer le législateur. Plusieurs problèmes ont ainsi été soulevés :
- l’enregistrement du PACS au tribunal et non en mairie.
- l’impossibilité de faire de son vivant et en cas d’urgence, un don d’organe au concubin, alors que la loi le permet entre époux.
- aucun droit à la nationalité alors que le conjoint étranger d’un français dispose d’un droit à la nationalité après deux ans de mariage.
- précarité du régime de l’indivision.
- obligation de faire un testament pour que le concubin puisse hériter.
- droits d’enregistrement plus élevés que ceux appliqués aux époux.
- pas de transmission du nom
- pas de partage de l’autorité parentale ni d’adoption possible par le couple.

Le PACS apparaît donc clairement comme un contrat en retrait par rapport aux avantages et garanties offerts par le mariage. Il est donc logique que les demandes d’améliorations du PACS visent à un alignement sur le statut marital.

La problématique de l’ouverture du mariage civil à tous les couples

Ce n’est sans doute pas l’idée qu’un couple de deux femmes ou hommes puissent se marier ou donner naissance ou élever des enfants, qui est pour beaucoup impensable voire sacrilège. C’est surtout l’idée qu’il puisse être établi un lien de filiation entre ce couple et les enfants, comme le montrent les arguments les plus souvent avancés chez les opposants à l’ouverture du mariage aux couples gais et lesbiens : procréation, filiation, préservation de l’altérité etc…sont au cœur de cette problématique, dont les fondements sont autant religieux que moraux ou psychanalytiques.

Pour Caroline Mécary, il convient donc de prendre ces points un à un afin d’en mesurer le degré de pertinence.
Tout d’abord en ce qui concerne le lien entre procréation et validité du mariage, Me Mécary rappelle que dans la conception républicaine et laïque du mariage, il n’y a pas l’obligation de procréation, et la stérilité ne constitue d’ailleurs pas un motif suffisant pour procéder à l’annulation d’un mariage. On ne peut donc opposer aux couples homosexuels leur incapacité à procréer, pour les interdire de se marier. 
Par ailleurs, le mariage n’est plus indispensable pour sécuriser la filiation, car depuis des décennies, le mariage n’est plus le seul cadre juridique de l’établissement d’une filiation. La filiation adoptive ne s’inscrit plus nécessairement dans une double relation paternelle et maternelle, l’adoption monoparentale étant permise depuis 1966. Par ailleurs, l’adoption simple permet d’ores et déjà une filiation à l’égard de deux hommes ou deux gemmes.
La question de l’altérité est la plus biaisée : selon les partisans du mariage hétérosexuel, ouvrir le mariage aux couples de même sexe reviendrait à remettre en cause la différence des sexes qui fonde notre culture. Or selon Me Mécary, la différence de sexes ne peut constituer une valeur politique à l’inverse du principe d’égalité devant la loi. Par ailleurs, cette différence de sexes ne s’identifie pas à l’hétérosexualité.
La question de l’altérité se retrouve de nouveau dans le problème de la place de l’enfant dans un couple de même sexe, nombre de personnes affirmant que l’enfant a besoin d’un père et d’une mère pour avoir une bonne structuration psychique. Or la loi, en permettant que des enfants naissent et grandissent en dehors d’une famille idéale composée d’une femme et d’un homme, va déjà à l’encontre de ce préjugé. Aucune étude menée aussi bien en France qu’ à l’étranger n’a relevé de problèmes chez les enfants élevés par des couples de même sexe : il n’y a aucune confusion sur la place de chacun dans la famille, ni brouillage des identités.

Le droit positif applicable en France

La controverse suscitée par le mariage interroge sur le rôle et les limites de l’intervention du juge et de la loi face aux évolutions de la société. En effet, le code civil, est non seulement un texte ancien, mais il donne par ailleurs une définition vague du mariage. Si quelques articles du code civil mentionnent le mari et la femme, aucun article ne définit expressément le mariage comme une union entre un homme et une femme. LA seule référence à la définition du mariage comme étant l’union d’un homme et d’une femme résulte d’une construction jurisprudentielle et doctrinale remontant au XIX eme siècle. Rien n’interdit donc au juge, un siècle plus tard, d’envisager une interprétation différente du code civil. D’autant plus que la CEDH à son article 14 énonce que les libertés assurées dans la convention doivent être assurées sans distinction aucune. Au sein des institutions européennes existe une véritable volonté de traiter sur un pied d’égalité les couples quelle que soit leur orientation sexuelle, comme le traité d’Amsterdam, qui à son article 13 prévoit de prendre des mesures contre les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle, ou la Charte des droits fondamentaux de l’UE qui interdit à son article 21 toute discrimination fondée sur l’orientation sexuelle.

La tendance vers l’égalité de traitement de tous les couples n’est pas propre à l’Europe. Elle existe aussi au Canada ou aux USA. Ainsi, depuis le 10 juin 2003, les couples de personnes de même sexue au Canada, peuvent se marier civilement.

En conclusion, Me Mécary se demande s’il n’est pas plus judicieux, plutôt que de dramatiser l’enjeu, et de tenir une posture alarmiste pour défendre un ordre établi, d’intégrer les nouveaux éléments de la société et d’accepter que des couples sont de même sexe, et que pour certains d’entre eux ils ont des enfants, et à ce titre doivent être juridiquement protégés. Le mariage civil pour les personnes de même sexe pouvant alors être une protection.