Projet Collectif Sciences Po 2005 : Mariage Homosexuel et homoparentalité
 
Fiche de lecture
François de Singly - Sociologue
Sociologie de la famille contemporaine

1993 ; 2004 pour la dernière édition
Armand Colin

François de Singly est professeur de sociologie à la faculté des sciences humaines et sociales de la Sorbonne, Université de Paris V. Il est également directeur du Centre de recherches sur les liens sociaux CNRS-Paris V. Spécialiste de la famille, de la vie privée, des sociétés indvidualistes, directeur de la collection Individu et société, de la série Les mondes sociaux dans la collection Sociétales, il est l’auteur de nombreux ouvrages sur le thème de la sociologie de la famille qui font référence en la matière.

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Ce manuel ne constitue pas à proprement parler une étude sur le mariage homosexuel et l’homoparentalité, mais constitue une référence pédagogique dans le domaine de la sociologie de la famille. En ce sens, il était nécessaire d’en aborder l’examen afin de comprendre la place que peut occuper le mariage et éventuellement l’adoption d’enfants par des personnes de même sexe dans le cadre de la réalité des liens familiaux contemporains.

Ainsi, dans la Sociologie de la famille contemporaine, François de Singly se livre à une réflexion théorique sur la notion de famille, sur les relations qu’elle entretient avec l’Etat, avec l’école, et avec les autres cercles de parenté, et sur l’indépendance de plus en plus grande des hommes et des femmes vis-à-vis de cette famille.

S’appuyant sur l’analyse d’Emile Durkheim et son concept de « famille conjugale » pour en préciser voire en corriger les enseignements, l’auteur dresse le constat d’une individualisation croissante de la réalité familiale. Cette individualisation est complétée et approfondie par le rôle de plus en plus important de l’Etat dans la sphère familiale, à travers ses institutions, notamment l’école. Il en découle une dépendance croissante des familles vis-à-vis de l’Etat. Dans le même temps, François de Singly décrit une autonomisation de la famille contemporaine par rapport au concept de parenté. Les stratégies matrimoniales organisées par la famille ont progressivement disparu pour laisser la place à une réelle liberté de choix du conjoint et à une indépendance plus marquée des différentes générations les unes vis-à-vis des autres. Cette diminution des liens de dépendance entre les générations et entre les sexes se réalise donc au profit d'une plus grande qualité des relations interpersonnelles. Tirant les conclusions de la personnalisation croissante des relations entre les différents membres de la famille et de l’autonomisation de l’individu par rapport à la famille contemporaine, l’auteur décrit un phénomène de socialisation de la sphère privée qui irait de pair avec l’évolution moderne des familles.

L’analyse scientifique est pertinente et percutante. Elle permet de comprendre les évolutions récentes de la famille sous l’angle de la sociologie, ce qui est une étape incontournable dans le cadre d’une étude sur l’éventuelle reconnaissance du mariage homosexuel et de l’homoparentalité. Si l’œuvre tient à être en prise avec la réalité – elle l’est – elle reste néanmoins trop générale pour aborder cette question particulière. Ainsi, à aucun moment l’évolution des familles par rapport à l’orientation sexuelle des partenaires n’est évoquée. Cet angle d’attaque peut être justifié du point de vue du champ d’étude, qui se veut une présentation synthétique et pédagogique des grandes lignes de la sociologie de la famille, mais il est possible de regretter cette absence qui empêche de retranscrire intégralement la complexité des évolutions récentes.

Faut-il en déduire que l’évolution vers une plus grande reconnaissance des couples homosexuels ne s’inscrit pas dans les grandes lignes contemporaines de la sociologie de la famille ? Apparemment non. A partir des conclusions tirées par l’auteur et sans que la question ne soit directement abordée, il est possible de déduire de l’autonomisation de l’individu et de la reconnaissance de sa liberté de choix que l’évolution vers une plus grande légitimation des unions homosexuelles va dans le sens de l’évolution générale de la sociologie de la famille.
De même, la distanciation des liens de parenté tend à alimenter l’idée selon laquelle l’éducation d’enfants par des couples homosexuels serait sans conséquence pour ceux-ci.
Les évolutions observées concernant les couples homosexuels s’inscrivent donc dans ce schéma d’ensemble, au même titre que les couples hétérosexuels. Par ailleurs, la quête du droit au mariage et à l’adoption s’intègre parfaitement dans le cadre de la dépendance des familles vis-à-vis de l’Etat. Cette recherche de reconnaissance est le signe d’une volonté d’intégration dans les modèles traditionnels d’organisation de la famille et peut se lire en relation avec les observations récentes.

Ces idées ont par ailleurs été reprises ultérieurement par l’auteur. Dans un article intitulé Pour le pluralisme des formes de la vie privée publié le 25 septembre 1998 dans Le Monde et cosigné par Véronique Munoz-Dardé, les auteurs ont dévoilé une vision large et ouverte concernant les évolutions futures de la conjugalité et de la parentalité.