François de Singly est professeur
de sociologie à la faculté des sciences humaines
et sociales de la Sorbonne, Université de Paris V.
Il est également directeur du Centre de recherches
sur les liens sociaux CNRS-Paris V. Spécialiste de
la famille, de la vie privée, des sociétés
indvidualistes, directeur de la collection Individu et société,
de la série Les mondes sociaux dans la collection Sociétales,
il est l’auteur de nombreux ouvrages sur le thème
de la sociologie de la famille qui font référence
en la matière.
***
Ce manuel ne constitue pas à proprement
parler une étude sur le mariage homosexuel et l’homoparentalité,
mais constitue une référence pédagogique
dans le domaine de la sociologie de la famille. En ce sens,
il était nécessaire d’en aborder l’examen
afin de comprendre la place que peut occuper le mariage et
éventuellement l’adoption d’enfants par
des personnes de même sexe dans le cadre de la réalité
des liens familiaux contemporains.
Ainsi, dans la Sociologie de la famille contemporaine,
François de Singly se livre à une réflexion
théorique sur la notion de famille, sur les relations
qu’elle entretient avec l’Etat, avec l’école,
et avec les autres cercles de parenté, et sur l’indépendance
de plus en plus grande des hommes et des femmes vis-à-vis
de cette famille.
S’appuyant sur l’analyse d’Emile
Durkheim et son concept de « famille conjugale »
pour en préciser voire en corriger les enseignements,
l’auteur dresse le constat d’une individualisation
croissante de la réalité familiale. Cette individualisation
est complétée et approfondie par le rôle
de plus en plus important de l’Etat dans la sphère
familiale, à travers ses institutions, notamment l’école.
Il en découle une dépendance croissante des
familles vis-à-vis de l’Etat. Dans le même
temps, François de Singly décrit une autonomisation
de la famille contemporaine par rapport au concept de parenté.
Les stratégies matrimoniales organisées par
la famille ont progressivement disparu pour laisser la place
à une réelle liberté de choix du conjoint
et à une indépendance plus marquée des
différentes générations les unes vis-à-vis
des autres. Cette diminution des liens de dépendance
entre les générations et entre les sexes se
réalise donc au profit d'une plus grande qualité
des relations interpersonnelles. Tirant les conclusions de
la personnalisation croissante des relations entre les différents
membres de la famille et de l’autonomisation de l’individu
par rapport à la famille contemporaine, l’auteur
décrit un phénomène de socialisation
de la sphère privée qui irait de pair avec l’évolution
moderne des familles.
L’analyse scientifique est pertinente
et percutante. Elle permet de comprendre les évolutions
récentes de la famille sous l’angle de la sociologie,
ce qui est une étape incontournable dans le cadre d’une
étude sur l’éventuelle reconnaissance
du mariage homosexuel et de l’homoparentalité.
Si l’œuvre tient à être en prise avec
la réalité – elle l’est –
elle reste néanmoins trop générale pour
aborder cette question particulière. Ainsi, à
aucun moment l’évolution des familles par rapport
à l’orientation sexuelle des partenaires n’est
évoquée. Cet angle d’attaque peut être
justifié du point de vue du champ d’étude,
qui se veut une présentation synthétique et
pédagogique des grandes lignes de la sociologie de
la famille, mais il est possible de regretter cette absence
qui empêche de retranscrire intégralement la
complexité des évolutions récentes.
Faut-il en déduire que l’évolution
vers une plus grande reconnaissance des couples homosexuels
ne s’inscrit pas dans les grandes lignes contemporaines
de la sociologie de la famille ? Apparemment non. A partir
des conclusions tirées par l’auteur et sans que
la question ne soit directement abordée, il est possible
de déduire de l’autonomisation de l’individu
et de la reconnaissance de sa liberté de choix que
l’évolution vers une plus grande légitimation
des unions homosexuelles va dans le sens de l’évolution
générale de la sociologie de la famille.
De même, la distanciation des liens de parenté
tend à alimenter l’idée selon laquelle
l’éducation d’enfants par des couples homosexuels
serait sans conséquence pour ceux-ci.
Les évolutions observées concernant les couples
homosexuels s’inscrivent donc dans ce schéma
d’ensemble, au même titre que les couples hétérosexuels.
Par ailleurs, la quête du droit au mariage et à
l’adoption s’intègre parfaitement dans
le cadre de la dépendance des familles vis-à-vis
de l’Etat. Cette recherche de reconnaissance est le
signe d’une volonté d’intégration
dans les modèles traditionnels d’organisation
de la famille et peut se lire en relation avec les observations
récentes.
Ces idées ont par ailleurs été
reprises ultérieurement par l’auteur. Dans un
article intitulé Pour le pluralisme des formes de la
vie privée publié le 25 septembre 1998 dans
Le Monde et cosigné par Véronique Munoz-Dardé,
les auteurs ont dévoilé une vision large et
ouverte concernant les évolutions futures de la conjugalité
et de la parentalité.
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