Etat du débat en France
La décision d’écrire
un ouvrage sur le sujet a été prise à
la fin du mois de juillet 2004. Le thème est très
vaste et exige un travail de relecture constant. Son but est
de définir la pensée du « monde »
homosexuel – le terme est discutable, car au sein même
de cette mouvance, des tensions existent. Les choses ont beaucoup
changé depuis 5 ans. En 2000, Gérard Leclerc
publie L’amour en morceaux, frappé par l’ouvrage
de Didier Eribon, Réflexions sur la question Gay. Publié
à la fin des années 1990, Eribon y explique
qu’il n’y a pas de révolution politique
à attendre de la question gay. C’est à
ce titre qu’il s’est intéressé à
des figures à la fois réactionnaires et homosexuelles,
tels Georges Dumézil et Marcel Jouhandeau. Or, Eribon
a changé de point de vue depuis . Selon lui, la société
va changer, car la perspective d’un mariage homosexuel
va transformer son socle anthropologique. Eribon, Fassin,
Iacub et Borrillo sont les leaders d’un groupe de 7-8
personnes qui donnent le ton sur ces questions. Cependant,
ils ne sont pas tous rejoints par les autres homosexuels.
Par exemple, lors de la discussion du projet de loi visant
à pénaliser les propos homophobes, le député
Jean-Paul Garraud a reçu beaucouAp de lettres de soutiens
venant d’homosexuels. Le groupe des 7-8 forment donc
une « société de pensée »
(au sens de l’historien Augustin Cochin , ce qui n’a
rien de péjoratif) en prise directe avec le politique
: ils cherchent à investir le champ du politique et
son dispositif institutionnel. Le livre de Gérard Leclerc
sera donc plus politique qu’anthropologique.
Foucault, Eribon et
le défi de l’intrusion dans le politique
Selon Michel Foucault, il est stupide de
dire que le christianisme est l’ennemi du corps et de
la chair. En effet, l’incarnation est une vision positive
de la chair, à la différence des philosophies
platoniciennes et manichéennes.
Foucault était plutôt le penseur des marges :
il a beaucoup étudié les fous, les prisonniers,
les malades, puis les homosexuels – les marginaux en
somme. Aujourd’hui, l’équipe de Borrillo
cherche à investir l’institution de l’Etat.
Cf. loi sur l’homophobie. Avant, on s’insurgeait
contre l’Etat répressif. Aujourd’hui, on
s’en sert pour réprimer l’homophobie.
Que faut-il entendre par conquête des « pouvoirs
» ? Il s’agit des pouvoirs répressif, éducatif
A et législatif. Derrière le législatif,
on vise le pouvoir symbolique. On vise ainsi à représenter
les symboles que le corps social se fait de lui-même.
On substitue à la dualité des sexes la théorie
des genders. Il n’y a plus que des pratiques sexuelles.
On est homo, hétéro, bi, trans. La symbolique
sociale est ainsi transformée par le pouvoir législatif.
En conséquence, on change les représentations
les plus spontanées de la société. Ce
« groupe des 7 » raisonne en politique. Dans ce
débat, ils jouent la carte de la passion et de la tension
la plus extrême. Leur vision est par trop naturaliste
: dans cette perspective, il faudrait rendre à la nature
sa vraie valeur. Or, ces chercheurs oublient que l’homosexualité
est aussi un phénomène psychologique.
Ce n’est donc pas anodin si Eribon est trotskyste :
il pense en terme de prise de pouvoir. En fin de compte, est-ce
que Foucault serait favorable à ce genre d’intrusion
dans le politique ? Pas sûr.
Le religieux compte beaucoup dans la question du mariage homosexuel,
car les principales cultures (occidentales ou non) reposent
sur la Bible. Dans la Genèse, il est écrit :
« Homme et Femme, Il les créa à son image
». Ceci explique l’agressivité plus forte
que t&eacuAte;moignent ces militants homosexuels envers le
christianisme. Les homosexuels recherchent plus de reconnaissance
et de légitimité. Selon Eribon, toute affirmation
d’une normativité hétérosexuelle
est insupportable au regard gay car elle est une délégitimation.
Pourtant, l’œdipe (i.e. ici la différence
sexuelle) est tellement ancré dans l’humanité
qu’il faudrait au moins l’énergie des gardes
rouges pour appliquer les idées d’Eribon. Or,
pour lui et ses colistiers, la victoire politique est proche…
et ils n’ont pas tort.
Le traitement de la
question au sein de l’Eglise
Au sein de l’Eglise de France, le
débat est présent. Tout le flot de la tradition
est porté par l’affirmation biblique de la Genèse.
De fait, les prêtres de Saint-Eustache (quartier des
Halles) ont accueilli beaucoup de sidéens dans leur
paroisse. Il y a une attention extrême à ce sujet
au sein de l’Eglise. Divers ouvrages sont à recenser
:
- Le livre de Claire Lesegretain est une bonne enquête
.
- Xavier Lacroix (théologien lyonnais) est un spécialiste
de l’amour humain. Dans ce débat, ses écrits
mettent l’accent sur l’amour duA semblable.
- John Boswell , historien américain mort du Sida,
explique que l’Eglise n’a pas toujours eu une
vision si dure de l’homosexualité, notamment
au Haut Moyen Age. Certains médiévistes, dont
Michel Rouche , ne partagent pas son point de vue.
De Saint-Paul à
Jean-Paul II, l’étude de l’amour
L’époque moderne a centré
le débat sur l’anthropologie. Les traits caractéristiques
qui s’en dégagent sont l’Homme, le Sujet,
la Personne : c’est le fruit du personnalisme d’avant
et d’après guerre. Mounier, Buber et Rosenzweig
sont les principaux représentants de ce courant. Pour
comprendre Saint-Paul et ses écrits, il faut revenir
aux études de grands théologiens : celles du
Père de Lubac (Vatican II), du Suisse Urs Von Balthazar
et de Gaston Fessard. Ce dernier était théologien,
jésuite et s’était passionné pour
Hegel. Il faisait parti du séminaire de Kojève,
avec Aron et Queneau entre autres. Fessard a repensé
des catégories (l’histoire, la raison) à
travers un regard hégélien. Il a redéployé
une théorie de l’amour humain dans son ouvrage
posthume Le mystère de la société . Cet
A
ouvrage porte sur le lien social. Il repense les grandes thématiques
de la théologie. En cela, tous ces théologiens
ont été amenés à repenser les
écrits de Saint-Paul, dont le premier passage de l’épître
aux Romains condamnant l’homosexualité (que Boswell
minore).
Les derniers grands théologiens en vie (le 17.02.2005)
se nomment Joseph Ratzinger et Karol Wojtyla. Ce dernier est
loin d’être un censeur. C’est un des hommes
qui a le plus réfléchi sur l’amour humain
et l’affectivité. Avant d’être élu
Pape, il fut philosophe et aumônier de jeunes. Après
la guerre, Jean-Paul II a rencontré un disciple de
Husserl à Cracovie, Roman Imgarden. Ensemble, ils préparèrent
une thèse sur Max Scheler, l’anti-Kant (homme
des principes et des impératifs). En effet, Max Scheler
conçoit l’amour humain à travers la maturité
affective. Ce dernier guidera Jean-Paul II vers l’anthropologie
morale. Il trouve chez lui une tradition thomiste de retour
à la description inductive. A la suite de ses études,
Karol Wojtyla tentera de faire la synthèse entre Kant,
qui ignore par trop la matérialité du phénomène
érotique, et Scheler qui passe outre les principes
moraux kantiens. Cependant, on sent que chez Jean-Paul AII,
Scheler l’emporte : il perçoit l’éducation
chrétienne comme une éducation à l’affect
et aux sentiments plutôt qu’aux grands principes.
Cette éducation passe par la prière. Partant,
chez Jean-Paul II, on retrouve toute une théologie
du corps. Cf. dernier ouvrage de Sylviane Agacinski sur la
patristique , dans lequel elle explique qu’il y a des
oppositions entre les Pères de l’Eglise sur les
questions liées à l’anthropologie de la
chair.
« La parité
est une absurdité, mais la dualité des sexes
est le fondement de la société. »
Néanmoins, comme le rappelle le Père
de Lubac : « Le paradoxe est le propre même de
l’humanité. » La différence des
sexes n’élimine pas l’universalité.
Chez Saint Thomas d’Aquin, la nature - natura - n’a
aucune connotation biologique, mais bien rationnelle, au contraire
de l’école du droit naturel. Chez les penseurs
chrétiens, ce n’est pas la nature qui intéresse,
mais la chair. C’est ce qu’évoquait Jean-Luc
Marion dans sa dernière conférence de Carême
. Cf. Michel Henry, immense penseur, qui publia des études
très pousséeAs sur Saint-Jean.
Jacques Derrida a donné son accord à l’initiative
de Noël Mamère, mais marque un désaccord
sur la dualité des sexes, qu’il persiste à
considérer comme un fondement de la société,
tout comme Elisabeth Roudinesco, pourtant favorable au mariage
et à l’adoption pour les couples homosexuels.
Derrida s’oppose au constructivisme. A l’inverse,
Eribon récuse la dualité des sexes : on comprend
ainsi que la théorie des genders est un constructivisme
absolu. L’homme doit se construire lui-même. De
fait, le pivot de cette société est le transsexuel,
car il est ce qu’il a décidé d’être.
Derrida n’est pas pour autant du côté du
naturalisme.
Pour les Chrétiens, la chair n’est pas la nature
humaine. Comme dirait Nietzsche, le corps humain a une raison.
Il n’y a pas de frontière entre la nature et
la culture.
Contrairement à l’affirmation de Jacques Julliard,
le thomisme (et l’Eglise selon Julliard) ne choisit
pas la nature contre la culture, car la nature dont parle
Thomas d’Aquin n’est pas la nature biologique.
Le cardinal Ratzinger l’a démontré lors
d’une conférence commune avec Jürgen Habermas,
très intéressé par la question de la
A complémentarité entre la Raison et la Foi.
« L’Eglise
a largement sa place dans ce débat. »
Une question se pose : le politique est-il
tout puissant ? Peut-il décider de tout ?
Ceci nous ramène au mythe prométhéen
: dans cette perspective, Hitler semble avoir gagné
! En effet, Hitler incarne la transgression, plus particulièrement
la transgression au décalogue : « Tu ne tueras
point ». Dans ce cas, comment assumer l’interdit
de l’inceste ? Comme l’a démontré
René Girard, Hitler se justifie par Nietzsche, qui
pense que « l’homme est un tueur ». Si le
christianisme n’y croit pas, la transgression, elle,
semble avoir gagné. Mais sur le sujet spécifique
qui nous occupe, c'est le problème, traité par
Ratzinger et Habermas des préalables pré-politiques
qui doit être examiné. Il y a une anthropologie
antérieure à tout volontarisme politique dans
le cadre d'une démocratie bien ordonnée.
« On ne peut
pas ignorer la société. »
Ces questions sont une zone de conflit entre
le droit et la morale. Le cas classique est celui de la prostitution
(cf. Législation sous LouisA IX, alias Saint Louis).
L’avortement, également, suppose des arbitrages
délicats. Dans son dernier livre, Luc Boltanski démontre
que la question morale de l’avortement ne sera jamais
déliée. Gauchet va dans le même sens :
selon lui, l’avortement restera un débat dramatique.
En clair, l’avortement a toujours existé, mais
c’est une réalité secrète. Une
législation libérale n’abolira pas la
question : la réalité demeure.
L’adoption pour
les couples homosexuels
Le constructivisme n’y peut rien :
il y a nécessité de la mère pour un enfant.
On a beau réinventer la société, la mère
s’impose dans la construction de l’enfant. Il
y a une réalité humaine : la dualité
des sexes. Le père et la mère sont nécessaires.
Le droit ne pourra pas changer 2000 ans de morale et surtout
une réalité universelle.
Comme Xavier Lacroix, qui critique la qualité des enquêtes
américaines sur l’homoparentalité , Gérard
Leclerc n’est pas un déterministe absolu : il
compatit aux souffrances des homosexuels, notamment lorsqu’ils
subissent des persécutions et des mesures d’exclusion.
A Prenons l’exemple du clonage humain. Ce type de clonage
existera peut-être un jour. L’Eglise s’y
opposera. Malgré son origine, que l’on déplore,
et en dépit du handicap considérable de naître
sans père et mère, l’Eglise ne considèrera
pas le cloné comme un monstre et compatira à
son immense souffrance psychologique.
En outre, G. Leclerc croît en la complémentarité
des sexes. On ne peut nier que dans les familles monoparentales
(constituées à 95% de mères seules),
l’absence de dualité des sexes est un manque
pour les enfants. Dans son essai, Big Mother , Michel Schneider
insiste sur le retour de formes très matriarcales dans
la société, comme les familles monoparentales.
Il est vrai que la figure de la femme est omniprésente
dans la société, mais ça ne compense
pas l’absence de père dans ces familles. Au contraire,
la quasi exclusivité des femmes dans le corps enseignant
peut être déstabilisante pour les enfants.
Qu’en pensent
les autres monothéismes ?
Le judaïsme prend aussi la parole. Le rabbin Sirat,
ancien Grand Rabbin de France, s’est déjà
exprimé de manière beaucoup plus véhémente
que les autoritéA;s chrétiennes sur ces questions.
Quant à l’islam, c’est difficile à
dire car les musulmans ne parlent pas d’une seule voix.
Les relations entre
l’Eglise et les homosexuels
Dans le catholicisme, deux aspects sont
mis en valeur par ce débat :
- la fermeté doctrinale ;
- l’attention à l’égard des personnes.
Jamais il n’est question de haïr les homosexuels.
D’après son expérience personnelle, Gérard
Leclerc lui-même n’a jamais trouvé le moindre
témoignage d’homophobie dans l’Eglise qu’il
a connue. L’Eglise ne pratique pas d’ostracisme
à l’encontre des homosexuels. Bien au contraire,
elle préconise et pratique une grande finesse d’écoute
envers eux. Réciproquement, l’homosexualité
place les individus dans une situation psychologique particulière,
« à vif », qui leur permet de vivre, souvent
intensément, une expérience de foi. Dans les
livres de témoignage sur l’homosexualité,
les textes les plus intéressants sont ceux des prêtres,
preuve qu’il y a une écoute et une conversation
dans le monde chrétien très enrichissante pour
les homosexuels.
Retour sur «
l’affaire Buttiglione »
Rocco Buttiglione est un philosophe italien
brillant, fin et lettré. C’est un spécialiste
de la pensée de Jean-Paul II. Selon lui, l’homosexualité
est un péché. Dans cette affaire, « il
a été piégé ». En l’interrogeant,
on lui a demandé ses convictions personnelles. Si ses
convictions personnelles aboutissaient à une volonté
d’ostracisme et d’exclusion des homosexuels sur
le terrain public, G. Leclerc aurait mis son veto à
son investiture. Par exemple, notre interviewé n’aurait
jamais eu l’idée d’empêcher l’élection
de Bertrand Delanoë à la mairie de Paris parce
qu’il est homosexuel. Un homosexuel peut très
bien faire un excellent maire ou un excellent député.
Le cas Buttiglione pose un réel problème : un
homme public risque-t-il désormais l'exclusion à
cause de son attachement aux principes de son christianisme
? Ajoutons qu'on peut considérer l’homosexualité
comme un péché si çà nous chante,
mais çà ne doit pas interdire à un homosexuel,
ou à un homme qui trompe sa femme, d’accéder
à des fonctions publiques.
NotoAns que G. Leclerc récuse l’emploi du mot
« homosexuel » pour qualifier une personne, car
on ne qualifie pas quelqu’un en fonction de son orientation
sexuelle. Ce marquage systématique est insupportable.
Le terme « homophobie » est acceptable, mais il
y a lieu de distinguer entre l’attitude qui consiste
à émettre des réserves morales à
l’égard de l’homosexualité et un
comportement ouvertement haineux. Si la confusion s’instaure,
l’homophobie pourra conduire à restreindre la
liberté de penser et de juger.
Mais la question reste posée : qu’est-ce que
l’homosexualité ? Est-elle volontaire ou non
? C’est seulement après avoir répondu
à cette question que l’on peut se demander si
c’est un péché. Le fait d’être
homosexuel n’est pas un péché mais la
pratique l’est. N’oublions pas que le péché
est inhérent à la nature humaine. On peut donc
être catholique et homosexuel. On peut avoir 30 maîtresses
et être catholique. Léon Bloy résume la
situation: « Il n’y a qu’une tristesse,
c’est de ne pas être des saints ».
L’image des
homosexuels aujourd’hui
L’homosexualité est plutôt
valorisée aujourd’hui. On se cache de moins en
moins. La culture gay influence beaucoup la mode de la société.
On présente l’homosexualité comme le dernier
cri de la modernité. A l’inverse, dans les milieux
populaires, la condition homosexuelle est plus difficile.
Il est normal que celui qui est persécuté pour
son homosexualité puisse se défendre devant
les tribunaux.
Dieu et la liberté
En France, il y a toujours plus de lois,
et elles sont toujours plus coercitives (A.-G. Slama).
Dieu fait l’homme libre. La thématique de la
liberté a été développée
dans la culture chrétienne. Elle n’est pas thématisée
dans la pensée grecque. Il faut attendre les Pères
de l’Eglise pour que soit développée l’idée
de libre-arbitre, fondé sur la raison et la volonté.
Le libre-arbitre est clairement le fondement de la religion
chrétienne, mais il est bridé par la société
moderne, trop déterministe (à l’image
des sciences humaines actuelles). Le propre du christianisme
est d’affirmer la liberté. L’homme doit
se constituer comme sujet dans la mesure où il se construit.
De toutes les manAières, il y a toujours une tension
morale dans la liberté. De plus, la liberté
est à la fois une donnée et une conquête.
Les pratiques « addictives » n’existent
que dans une société où les hommes sont
libres, mais elles dégradent leur liberté.
Qu’est-ce que
la modernité ? L’exemple du mariage
La modernité est une notion énigmatique
par essence. Le christianisme vit au rythme de l’histoire,
pour affirmer certaines visions de l’homme notamment.
Le christianisme est fondateur de la modernité - et
d’à peu près tous les autres fondements
de la société occidentale ! Il a favorisé
la venue du règne de l’individu par opposition
à l’archaïsme d’une société
holiste où l’emprise du groupe enferme la personne
humaine. La modernité se caractérise donc par
l’émancipation de l’individu.
Par exemple, le mariage n’est pas le fruit d’une
décision personnelle dans les sociétés
traditionnelles. C’est un élément essentiel
de la stratégie sociale. A Rome, le mariage repose
sur le consentement des intéressés, ce qui n’est
pas si traditionnel. Toutefois, Ale mariage romain est conditionné
par certaines limites : le lieu (il doit s’effectuer
dans la Cité), l’appartenance à une classe
(endogamie), le caractère patriarcal de la société,
etc. D’ailleurs, le divorce équivaut à
une répudiation. Chez les Romains, lorsqu’il
y a divorce, la femme est souvent chassée du foyer
par son mari. Chez les Chrétiens, le consentement fait
le mariage (pas chez les orthodoxes). Le prêtre bénit
le mariage, mais les époux en sont les ministres. Au
Concile de Trente, on affirme que le mariage n’est valide
que s’il y a des témoins. Partant, le caractère
public du mariage permet de voir s’il y a consentement
ou pas. Quand sont arrivés les peuples dits «
Barbares », on est passé du mariage consensuel,
romain et chrétien, aux pratiques païennes, qui
stipulent que le mariage est fait par le clan. Duby montre
ainsi qu’au cours du Moyen Age, on voit s’affronter
les clercs et les féodaux. Cependant, Gérard
Leclerc y perçoit un affrontement moins marxisant,
moins marqué par la lutte des classes, mais plutôt
par un retour aux pratiques païennes. Le mariage consensuel
de type chrétien a donc fait sauter toutes les sociétés
traditionnelles. Sur ce point, Gérard Leclerc exprime
son désaccord avec les idéAes ambiantes selon
lesquelles le christianisme aurait été vaincu
par les Lumières. Au contraire, dans le désenchantement
du monde , Marcel Gauchet démontre que le plus grand
acteur de l’émancipation moderne fut le judéo-christianisme.
L’individu, avant, se trouvait englobé dans un
cosmos.
En parallèle, c’est à partir des Lumières
que se développe un antichristianisme virulent. Dans
le cas français, le laïcisme le plus agressif
est toujours en lien ou en réponse au christianisme.
En outre, le signe le plus marquant de la révolution
américaine est l’absence de tout antichristianisme.
Ceci renvoie également aux thèses que défend
Rémi Brague dans Europe, la voie Romaine . Selon lui,
l’Eglise catholique a hérité de Rome sa
secondarité. Rome n’avait pas de caractère
propre. Elle a inventé le droit, mais elle hérite
de la culture grecque. Le christianisme va hériter
du judaïsme. Au surplus, les Pères de l’Eglise
vont utiliser au maximum la pensée grecque. Le christianisme
ne se reconnaît pas de grande singularité, si
ce n’est son sens de l’universalité. Ex
: les missions. Paradoxe : quand Voltaire s’intéresse
à la Chine, il lit les rapports des missionnaires qui
s’y Atrouvent. En somme, le christianisme s’intéresse
à ce qui n’est pas soi. Il y a dans son génie
la dimension d’un rapport à l’Autre.
Jürgen Habermas est le grand penseur de la modernité
démocratique. Il démontre que la démocratie
repose sur le débat et l’échange d’arguments
rationnels. Or, face aux problèmes liés aux
manipulations génétiques, notamment au clonage
reproductif, le rationalisme étroit n’est pas
la réponse la plus opérante, et c’est
à ce titre que le religieux a une part à prendre
dans ce débat. Est-ce là un aveu de faiblesse
de la démocratie dans un débat pourtant crucial
? Habermas prône, sur ces questions, l’intervention
de traditions religieuses. Le patrimoine propre doit être
traduit rationnellement. C’est donc que selon lui, le
christianisme a son mot à dire .
NB : sur la modernité des Pays-Bas, Gérard Leclerc
affiche une certaine perplexité face à cette
société qui voit se développer des mouvements
extrémistes.
L’avenir des
sociétés post-modernes
Gérard Leclerc cache difficilement
son pessimisme quant au devenir des sociétés
en g&eacutAe;néral. Les sociétés sortent
de l’histoire, relativement déculturées
et oubliant leur passé. G. Leclerc craint une réaction
violente et l’émergence d’un néo-totalitarisme,
car il n’y a pas d’idéologie pour canaliser
cette nouvelle jeunesse. Cf. Alain Badiou, Le Siècle
. L’auteur est un peu exalté (toujours maoïste
en 2005). Selon lui, à partir de 1980, on assiste au
début du « Petit Siècle » qui contredit
le Grand Siècle car il est marqué par l’absence
d’idéologie. Après Auschwitz, on rejette
la plupart des idéaux car on refuse de partir dans
des directions folles. Autrefois, lorsqu’on croyait
au progrès, on lui donnait une direction. Aujourd’hui,
on assiste à la sortie de l’histoire (ex : incapacité
des jeunes à situer des textes d’écrivains
dans leur contexte), reflétée par l’ignorance
du passé, l’absence de philosophie du droit et
un net rejaillissement du nihilisme. On se dirige sans doute
vers un nouveau fascisme. C’est imprévisible.
La pédophilie
On a dit que le clergé catholique
s’était tourné vers ce genre de pratiques
du fait d’une grande souffrance sentimentale. FAaux !
Dire qu’un prêtre est voué à la
pédophilie est aussi stupide que de le dire pour un
instituteur. Certes, quelques individus se sont rangés
dans le clergé pour pouvoir être au contact des
enfants. Mais les frustrations ne font pas les pédophiles.
« Quand un prêtre catholique a des pulsions, comme
tout le monde, je ne vois pas pourquoi il ne se tournerait
pas vers les femmes plutôt que vers les enfants. »
De quoi parle-t-on ? La pédophilie répond à
une typologie très précise. Ce ne sont pas des
gens faibles, mais des pervers qui se caractérisent
par une habileté redoutable. Ils développent
patiemment des stratégies de séduction retorse.
De plus, ils ne se tournent pas vers des enfants parce qu’ils
ne peuvent se tourner vers des adultes. Enfin, 90 % de leurs
victimes se situent dans le cadre familial, donc hétérosexuel
: c’est donc une perversité, et non le résultat
de frustrations.
Notons, que le scandale des prêtres américains
n’est pas un problème de pédophilie mais
d’homosexualité, car les victimes de ces pratiques
sont, dans l'essentiel des cas, des adolescents pubères.
Sur le mariage
Inspiré par le grand penseur P. Legendre,
A G. Leclerc distingue, dans son livre l’amour en morceaux,
le choix du mariage aux autres choix faits en société.
Les choix personnels (religieux, politiques ou sexuels) sont
anti-institutionnalisant. A l’inverse, la cohérence
de l’amour est institutionnel, d’où le
mariage. La reconnaissance du mariage sanctionne un acte fondateur
pour la société. Ce n’est donc pas la
reconnaissance des tendances particulières qui fondent
la société mais celle d'un lien structurant
absolument nécessaire pour « la fabrication des
individus ». On peut craindre que la loi ne permette
aux formes marginales du social de se reconstituer sous des
formes plus violentes.
NB : Gérard Leclerc ne se prononce pas sur «
l’irrésistibilité » du mariage homosexuel.
Dernier propos : et
Joseph Ratzinger devînt Benoît XVI
Le cardinal Joseph Ratzinger est extraordinairement
intelligent. Ce n’est pas du tout le père crispé
et conservateur que l’on dépeint. Seulement,
dans sa fonction de préfet de la Congrégation
pour la doctrine de la Foi, il avait pour mission de «
corriger les copies » (J.-M. Lustiger). Mais il a accepté
cette fonction un peu à contrecœur, car c’est
avant tout un enseignant qAui aurait préféré
construire une œuvre comme professeur d’université
lorsque le pape Paul VI le créa archevêque. Il
est donc tout à fait paradoxal qu’il se retrouve
pape aujourd’hui. On verra bien de quelle manière
conduira-t-il la marche de son pontificat.
Vous pouvez consulter le document suivant
en cliquant dessus :
Avis de la CNCDH - Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme - sur la Halde
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