Etes-vous favorable au mariage pour les couples de
même sexe et pour quelles raisons ? Etes-vous favorable
à l’extension du droit à l’adoption
aux couples de même sexe ?
D’une part, je suis
favorable à ce que les droits soient les mêmes
pour tous: telle est ma conception de la démocratie.
D’autre part, j’estime que le mariage est une
question d’amour. En effet, il n’est plus lié,
aujourd’hui, à la procréation. Par conséquent,
pourquoi faudrait-il limiter ce droit aux hétérosexuels
? D’ailleurs, les personnes hétérosexuelles
qui se marient n’ont pas à prouver leur hétérosexualité.
On voit donc que le mariage est un droit : on ne l’impose
à personne. Il porte ainsi à conséquence
financière (héritage, fiscalité, nationalité,
séjour). Pour d’autres, le mariage est plus qu’un
droit : c’est un symbole.
Peut-on dissocier mariage et adoption
? Les Français estiment-ils que si l’on accorde
le mariage, on accordera l’adoption ? A l’inverse,
jugent-ils le mariage incontournable pour permettre l’homoparentalité
? Le mariage et l’adoption seront-ils légalisés
en même temps, comme ce fut le cas aux Pays-Bas ?
Les deux peuvent être dissociés.
Le principal est l’amour porté à l’enfant.
On n’est plus dans une structure familiale traditionnelle
(un père + une mère + un enfant).
Mariage et adoption sont deux problèmes différents.
En outre, la loi ne dit pas si le mariage est hétérosexuel
ou homosexuel : le seul moment où la différenciation
sexuelle apparaît est lorsque le maire prononce la phrase
correspondant à l’article 75 du Code Civil :
« X, acceptez-vous de prendre Y pour épouse ?
»
Avez-vous eu l’occasion de
vous exprimer souvent sur le sujet ? Si non, pourquoi ? Le
débat est-il ouvert en France sur ces questions ?
Si, souvent, car le débat est ouvert
en France. Seulement, il est passionnel, comme le révèlent
les différentes expressions des partisans ou des opposants
à l’extension du droit au mariage aux couples
de même sexe.
Comment percevez-vous l’impact
de la célébration du mariage de Bègles
par Noël Mamère, le 5 juin 2004 ? Est-ce que cette
« provocation » (N. Mamère) a fait «
reculer le débat » (J.-L. Roméro), en
brusquant les électeurs ? Qu’avez-vous pensé
de la décision d’annulation du Tribunal de Bordeaux
? Pensez-vous que cette action donnera lieu à des suites
politiques et législatives ?
Ce qui s’est passé à
Bègles était nécessaire, car on a franchement
posé la question aux Français : êtes-vous
favorable au mariage gay ? Des gens se sont rendus compte
qu’il n’était pas impossible d’unir
deux personnes de même sexe. Par ailleurs, les enquêtes
d’opinion réalisées à cette époque
démontraient que les Français étaient
majoritairement favorable à cette mesure.
D’ici 2007, le débat ne va sans doute pas revenir,
d’autant plus que Dominique de Villepin a été
nommé à Matignon. Lors de la prochaine campagne
présidentielle, les Verts défendront la position
des « pro » (mariage et adoption) mais çà
ne sera pas le point central de notre programme. Cela dit,
2007 sera certainement un contexte favorable pour défendre
cette position : regardons la loi qui vient d’être
votée en Espagne, pays très catholique.
Comment jugez-vous l’état
du débat au sein du PS ? On peut se demander si la
gauche de gouvernement, qui est contrainte sur des questions
socioéconomiques à un certain réalisme,
n’a-t-elle pas d’autre choix que de se saisir
des questions « sociétales » comme le mariage
gay afin d’affirmer son altérité vis-à-vis
de la droite gouvernementale ? La revendication du mariage
sera-t-elle dans le programme des Verts en 2007 ? et du PS
? et du PCF ?
Si en 2007, les Verts défendront
les deux mesures, mariage et adoption, ce sera plus compliqué
pour le PS. En effet, une partie des socialistes refusent
de faire du mariage et de l’homoparentalité un
même problème. Du coup, ils s’opposent
au mariage parce qu’ils sont défavorables à
l’homoparentalité. En ce moment, ils ont lancé
un groupe de travail sur la question, qui avance.
Au PCF, la majorité des élus sont favorables
au mariage et à l’adoption. Mme Jacquaint est
publiquement intervenue sur le sujet. Dans le passé,
le PCF s’est montré beaucoup plus circonspect
à l’égard des homosexuels, voire de la
contraception. Ainsi, l’épouse de Maurice Thorez,
Jeannette Vermeersch, était ouvertement contre l’avortement,
au motif que cela diminuait la population des travailleurs.
Souhaitez-vous élargir le
droit de l’adoption, basé sur une loi du 11 juillet
1966, aux concubins homosexuels ? Aux pacsés homosexuels
? Aux célibataires homosexuels (extension de l’article
343-1 du Code civil qui accorde l’adoption aux célibataires
sans mention de leur orientation sexuelle) ? Souhaitez-vous
modifier les critères d’agrément à
l’adoption accordée par la direction des affaires
familiales ? L’orientation sexuelle doit-elle être
prise en compte dans ce cas ? Estimez-vous que, sur ce thème,
le droit est en retard sur la société ?
Aujourd’hui, l’adoption est
accordée à une ou deux personnes. Un célibataire
peut donc adopter. Or, quand on propose d’étendre
le droit à l’adoption aux pacsés, les
opposants nous répondent que ces concubins ou pacsés
« n’ont qu’à se marier pour obtenir
ce droit »… En fait, l’adoption accuse un
certain retard par rapport à tout le droit de la parentalité.
Il faudrait instaurer un droit, pour le conjoint de l’adoptant,
sur l’enfant de ce dernier ; en effet, si l’adoptant
meurt, en l’état actuel du droit, l’enfant
se retrouvera de jure orphelin.
L’arrêt de la CEDH Fretté
c./ France du 26 février 2002, conclut qu’un
homosexuel célibataire ne peut pas bénéficier
du droit à l’adoption. De même, les arrêts
de la 1ère chambre civile des 11 juillet 1989 et 17
décembre 1997 admettent le caractère hétérosexuel
du couple, notamment des concubins. L’arrêt CJCE
du 31 mai 2001 réaffirme que le mariage est une union
entre des personnes de sexes différents. Dès
lors, pensez-vous que le changement viendra des tribunaux
ou des parlements ? Dans le premier cas, de quels tribunaux
? Nationaux, européens ou communautaires ?
Le changement viendra certainement du parlement.
Les juridictions sont rarement en avance sur la société.
Le Pacs. Croyez-vous que le Pacs
ait été un marché de dupes : les conservateurs
favorables à son adoption en espérant le substituer
au mariage, les progressistes cherchant à l’obtenir
pour préparer la voie au mariage gay ? Le 30 novembre
2004, un rapport portant sur les améliorations envisagées
pour le Pacs a été remis au Garde des Sceaux.
Pensez-vous que certaines dispositions seront modifiées
d’ici à 2007, par exemple le régime patrimonial,
passant de l’indivision à la séparation
de biens ?
Le régime a été récemment
modifié sur un plan fiscal et successoral. Il faut
poursuivre ces améliorations du Pacs, notamment pour
les étrangers : la signature du Pacs ne leur accorde
que très difficilement, en pratique, un titre de séjour.
Au surplus, aucun pacsé, qu’il soit homosexuel
ou hétérosexuel, n’aura le droit de toucher
une pension de réversion en cas de décès
du partenaire.
La conclusion d’un Pacs doit être signé
au Tribunal d’Instance et non à la mairie. Ceci
est non seulement absurde, mais tout aussi discriminant. Là
encore, on peut déplorer le manque de courage des députés
qui n’osent voter une loi déplaçant la
procédure en mairie. Une raison explique cette attitude
: de très nombreux députés sont maires…
Au sein des parlementaires, quelle opinion
domine ? Que pensez-vous de la mission d’information
parlementaire sur la famille et les droits de l’enfant
? Quelle conclusion augurez-vous ? Existe-il une opposition
à ces positions au sein de la droite gouvernementale
(Christine Boutin, Christian Vanneste) ? Le rapport de force
joue-t-il en sa défaveur et si oui, de plus en plus
?
Cette mission est bloquée par certains députés
UMP qui fondent leurs discours sur des conceptions traditionalistes
de la famille. Cette aile conservatrice domine à droite
; si Villepin est nommé à Matignon, le gouvernement
cherchera en priorité à flatter cette frange
droitière de l’électorat UMP. Prenons
l’exemple du congé parental : on a modifié
le régime pour les couples qui en sont à leur
3è enfant. L'allocation a été rehaussée,
mais sur un laps de temps restreint: derrière l'apparence
d'une amélioration, c'est une régression qu'orchestre
le gouvernement.
Que peut-on attendre de la France
d’ici à 2007 ?
En conséquence de ce qui vient d’être
dit, rien.
Existe-t-il un vote gay ? Si oui,
n’est-il pas déterministe de penser que l’orientation
sexuelle détermine l’intention de vote ?
Oui, il existe un vote gay, si l’on
se trouve dans une situation où un candidat à
une élection est homophobe. Face à lui, un front
de refus se constituera pour lui barrer la route. Il s’agirait
plus d’un vote progressiste [et gay-friendly] que d’un
vote gay. En conséquence, je ne crois pas qu'il existe
un électorat gay.
En 2001, Bertrand Delanoë a été élu
maire de Paris essentiellement pour mettre fin au système
Tiberi.
Existe-t-il une communauté
gay ?
Non, la prise en compte de l’orientation
sexuelle est trop réductrice pour pouvoir définir
l’identité d’une personne. Ce terme est
malvenu.
Peut-on parler de lobby homosexuel
et que pensez-vous de son efficacité le cas échéant
?
« Lobby », je ne sais pas ;
l’expression renvoie un peu à la théorie
du complot… mais il est certain qu’il y a des
associations qui défendent les intérêts
des homosexuels, qui se battent pour des droits, comme il
y en a pour les femmes, les buralistes, les paysans…
Tout le monde a besoin d’association pour être
représenté et défendu.
Comment percevez-vous l’état
du débat au sein du PS ?
Au PS, Lionel Jospin et Ségolène
Royal sont contre l’octroi du droit à l’adoption
pour les couples homosexuels. Je comprends ces réticences
au droit à l’adoption. A une certaine époque,
beaucoup de personnes de gauche hésitaient à
légaliser le divorce, parce que çà n’aurait
pas été dans l’intérêt de
l’enfant. Aujourd’hui, l’attitude du PS
trahit plutôt un manque de courage à l’égard
de ses électeurs. On rappellera que certains députés
socialistes, surtout des régions rurales, étaient
plutôt rétifs à l’idée de
voter le Pacs.
Que pensez-vous de l’état
du débat au sein de votre formation politique ?
Les Verts sont plus homogènes et
ils sont plus jeunes… ce qui constitue également
une faiblesse, d’autant plus que leurs adhérents
ne sont pas issus, dans la plupart des cas, de milieux populaires.
Depuis le 21 avril 2002, il semble
que le PS s’est placé dans une logique de défense
du peuple et non des minorités, ce qui l’a conduit
à considérer comme secondaire le problème
des discriminations homophobes, comparé à l’importance
de la lutte contre les inégalités sociales.
Mais ces deux mouvements ne forment-ils pas le même
créneau ?
En politique, c’est en partant des
plus faibles et des plus discriminés que l’on
pourra améliorer le sort de tout le monde. Homos, ouvriers,
même combat ? peut-être…
Pensez-vous que la satisfaction de
cette revendication soit inéluctable (ou irrésistible)
à court ou moyen terme ?
Il n’y a pas de question inéluctable
en politique. Cela dit, le fait de voir le fait religieux
en pleine expansion en ce début de XXIè siècle
est à maints égards inquiétants, car
on n’est plus à l’abri d’un retournement
de législation – ce qui nous ramènerait
en arrière. Je pense notamment à toute la protection
juridique de la condition féminine. Aux Etats-Unis,
on a vu que la religion pouvait bloquer voire faire reculer
les choses (cf. le rétablissement de l’enseignement
des thèses créationnistes dans les écoles
de certains états américains).
Etes-vous favorable à la création
de rayons « gay » dans les bibliothèques
de la ville de Paris (cf. proposition de Christophe Girard,
adjoint au maire de Paris, chargé de la culture) ?
Quels ouvrages y trouvera-t-on ? Montherlant et Proust seraient-ils
mieux en littérature française ou en rayon «
culture gay » ?
(Etonnement). Je ne suis pas spécialement
favorable à la création de rayons d’études
sur les questions gays dans les bibliothèques. Il ne
faut surtout pas séparer les littératures, car
on risquerait d’éloigner le lecteur de rayons
qui pourraient l’intéresser. Très sérieusement,
en mettant dans des bibliothèques publiques des livres
gays militants, on risque des autodafés, et pas seulement
de la part de particuliers un peu exaltés ! Il y a
quelques années, lorsque j’étais bibliothécaire
dans un établissement du 15è arrondissement
appartenant à la ville de Paris, Chirac avait fait
mettre des livres à l’index, parce qu’il
présentait « une vision par trop manichéenne
de l’esclavage et très pessimiste de la Shoah
» ! Du coup, un classique de la littérature enfantine,
Mon ami Frédéric, de Hans-Peter Richter, avait
été mis de côté...
Peut-on considérer que l’ensemble
associatif de défense des gays représente les
convictions de l’ensemble des homosexuels de France
? Les associatifs gays s’obligent à défendre
l’homoparentalité alors que de très nombreux
homosexuels rechignent à copier les comportements hétérosexuels.
Est-ce un constat exagéré ? Si non, est-ce un
tabou ?
Ce n’est pas à moi de le juger.
D'ailleurs qui peut en juger? Cette question se pose pour
les gays comme dans d'autres secteurs de l'opinion. Il est
vrai que certains homosexuels ne sont pas intéressés
par la question.
Comment définir et traiter
l’homophobie ?
On peut être opposé au mariage pour les couples
homosexuels sans être taxé d’homophobie.
En revanche, si l’on dit que les homosexuels ne peuvent
pas se marier parce que c’est contre nature, là,
on est dedans.
Il y a toujours une hiérarchie des batailles. Il ne
faut pas oublier que c’est seulement au début
des années 1970 que les droits des femmes ont commencé
à rattrapé ceux des hommes.
Il est fondamental de se battre contre l’homophobie.
C’est une situation vécue dès l’adolescence
qui crée un climat dramatique pour le jeune homosexuel,
tandis que l’Education nationale refuse toujours d’agréer
des associations pour enseigner ces problèmes à
l’école. Encore une fois, je déplore un
fossé entre les paroles et les actes.
Que pensez-vous de la pénalisation
des propos homophobes ? Aucune mesure « éducative
» n’est prévue dans la loi instaurant la
H.A.L.D.E.
Cette Haute autorité manquera de
moyens. Elle ne peut se saisir que sur les cas de discriminations
déjà décrites dans la loi. Elle crée
néanmoins une avancée, en la personne du médiateur.
La répression de l’homophobie
entérine-t-elle une dégradation de la liberté
de la presse ? Lors du débat sur le projet de loi visant
à la répression des propos homophobes, la Commission
Nationale Consultative des droits de l’homme (CNCDH)
avait fait part de ses préoccupations quant au respect
de la liberté d’expression en cas de vote de
ce texte...
Certes, à partir du moment où
l’on met des bornes, il y a une atteinte à la
liberté. Mais sur le racisme, la prégnance de
la législation est inéluctable. Or, on estime
justement que cette législation visant à réprimer
les propos homophobes présente un risque d’atteinte
à la liberté de la presse. Pourquoi ? Parce
que ce n’est pas une législation antiraciste.
Il y a deux poids, deux mesures.
La meilleure solution reste un effort de pédagogie
et d’éducation, surtout envers les enfants dont
il ne servirait à rien de les envoyer en prison. Même
si l’homophobie n’est qu’une manifestation
orale, un discours, un propos, il faut savoir dire STOP !
à un moment donné. On ne peut pas dire n’importe
quoi. Quand quelqu’un tient des propos homophobes, on
ne sait jamais si c’est un délire personnel ou
si cette personne va passer à l’acte. C’est
pourquoi je recommande de faire de la prévention et
de signaler les personnes dangereuses. En somme, le législateur
est appelé à mettre des bornes. Souvenons-nous
de la monté de l’antisémitisme en France
avant la Seconde Guerre Mondiale. A l’époque,
on n’a pas beaucoup réagi. On a vu ce que çà
a donné…
Sommes-nous toujours dans un ordre
hétérosexué, i.e. dominé par les
hétérosexuels ? Considérez-vous l’hétérosexualité
comme une norme à laquelle l’homosexualité
ferait exception ? Est-ce qu’une simple loi peut changer
l’ordre hétérosexué (s’il
existe) ? Didier Eribon pense que toute expression d’une
normativité hétérosexuelle est inacceptable
aux yeux des homosexuels et qu’il faut remplacer cette
conception par une normativité issue de la théorie
des « gender » (homo, hétéro, bi,
trans). Pensez-vous qu’une telle révolution anthropologique
est possible ? Pensez-vous que la loi puisse accomplir cette
révolution anthropologique ou que cette pensée
soit irréaliste ?
La société a beaucoup avancé.
Aujourd’hui, on rencontre partout des familles recomposées.
Le modèle hétérosexuel est indéniable
: on n’a pas déstabilisé l’homme
en libérant la femme, ou en élevant sa place
dans la société. On le voit bien à propos
des débats sur la place de l'homme dans notre société.
La compétition dans une société, c'est
le triomphe du mâle. Si le droit au mariage peut changer,
la loi, et elle seule, ne peut pas modifier des structures
sociales profondes. Une fois que les hommes politiques auront
reconnu que la légalisation du mariage homosexuel est
approuvée par la majorité des Français
(comme le révèlent les plus récentes
enquêtes), c’est à cet instant que la loi
apparaîtra.
En ce qui concerne les genres, je n’ai pas d’avis
sur la question.
La fracture Paris / Province est-elle
toujours aussi vivace dans le quotidien des homos (avantages
de Paris : anonymat et forte culture gay) ?
Oui, je dirais plutôt une fracture Paris /
grandes villes, mais je suis consciente que mon avis est biaisé
par ma situation géographique (1er – 2è
– 3è – 4è arr.).
Que pensez-vous de l’outing
? Faut-il instaurer un délit de « outing »
?
Je suis tout à fait contre la dénonciation
: l’orientation sexuelle regarde chacun. Il est vrai
que l’hypocrisie de certains hommes politiques, qui
s’affichent avec femme et enfant tout en ayant des enfants
adultérins, a de quoi énerver. Une certaine
cohérence est nécessaire.
Peut-on, selon vous, être
homosexuel et être légitimement opposé
au mariage homosexuel et à l’homoparentalité,
entre autres revendications ?
Les hommes politiques ont
l’obligation d’être cohérent, ce
qui ne signifie pas que R. Donnedieu de Vabres, qui a été
dénoncé, ne puisse s’opposer au Pacs ou
au mariage homosexuel. On ne peut pas révéler
l’homosexualité d’une personne à
sa place et sans son consentement.
Pensez-vous, comme le sociologue
Eric Fassin, que le débat évoluera plus rapidement
en France lorsque des pays du Sud de l’Europe adopteront
des lois plus « progressistes », avant les Français,
alors que ces derniers ont tendance à les mépriser
sur le plan de l’évolution des mœurs ? La
France est-elle un pays homophobe ? Est-elle en retard ?
Ce qui s’est passé en Espagne
aura un certain impact en France. Cela dit, l’évolution
que propose le raisonnement d’Eric Fassin n’est
pas automatique. La France est en retard, mais elle reste
dans la moyenne européenne. Certains Etats sont beaucoup
plus arriérés : pensez qu’à Malte,
le divorce n’est toujours pas autorisé.
Comparaison européenne. Comment
évaluez-vous la législation française
quant aux unions de même sexe par comparaison avec les
législations des autres pays comparables ?
* aux Pays-Bas, par la loi du 01.04.2001
* au Québec, depuis juin 2002
* au Danemark, depuis mai 2002
* en Grande-Bretagne, par la loi du 05.11.2002
* en Suède, depuis novembre 2003
+ le dernier : l’Espagne (est-ce une surprise ?)
En Espagne, la législation n’est
pas si fantastique que cela. D’ailleurs, il faut distinguer
ce que dit le droit et son application dans la société.
L’évolution de la société semble
se faire beaucoup plus lentement. Cf. système de crèche
en Hollande : les femmes sont obligées de travailler
beaucoup, mais à mi-temps. Le système juridique
de la Suède est intéressant, mais est parfois
caricatural.
De 1982 (dépénalisation
de l’homosexualité) à 1999 (vote du Pacs),
le législateur n’a pratiquement pas légiféré
sur les questions liées à l’homosexualité.
Aujourd’hui, ces questions semblent au centre d’un
véritable débat de société. A
quoi attribuez-vous cette accélération ? Est-ce
dû à une simple évolution des mentalités
? Est-ce une question de génération ?
Une nouvelle génération arrive,
en effet, mais les hommes politiques restent toujours aussi
vieux et ne relayent pas les revendications de ladite génération.
Je pense que la limitation du cumul de mandat présente
un avantage : si un élu ne peut être élu
une troisième fois pour un même poste, il consacrera
son second mandant à des fins dénuées
d’électoralisme et pourra ainsi voter les projets
de lois qu’il n’ose pas adopter actuellement.
Exemple type: la légalisation du mariage homosexuel.
Les unions pour les couples de même
sexe dans le traité visant à instaurer une Constitution
pour l’Union européenne.
Ce traité instituait une égalité des
droits pour tous les citoyens :
- Article II-80 : Égalité en droit. «
Toutes les personnes sont égales en droit. »
- Article II-83 : Égalité entre femmes et hommes.
« L’égalité entre les femmes et
les hommes doit être assurée dans tous les domaines,
y compris en matière d’emploi, de travail et
de rémunération. Le principe de l’égalité
n’empêche pas le maintien ou l’adoption
de mesures prévoyant des avantages spécifiques
en faveur du sexe sous-représenté. »
Dans ce texte, l’Union reconnaît la dissolution
du mariage dans le cadre des législations nationales.
Le problème, c’est qu’il y a très
peu de protection autour de cela, ce qui ne prévient
pas d’éventuels reculs. C’est dommage,
quand on pense à quel point les femmes se sont battues
pour leur droit. Il y a donc deux non-avancées dans
ce texte: sur le divorce (Malte) et sur la contraception.
Le but n'était pas d'imposer mais on aurait pu comme
pour d'autres articles reconnaître le droit au divorce
tout en renvoyant ses modalités de mise en œuvre
aux législations nationales. En revanche, ce qui est
positif, c'est qu'il n'interdit pas le mariage pour les couples
de même sexe.
Sociologie du mariage gay
A Bègles, les mariés venaient
de milieux populaires. Sans doute, des sondages révèlent
que l’homosexualité est mieux acceptée
dans les milieux populaires. Toutefois, ce qui importe le
plus est l’image que se font les hommes politiques des
homosexuels ; or, ils s’imaginent que la majorité
des Français est contre le mariage des couples de même
sexe. En ce sens, je regrette que les représentants
du peuple aient perdu le sens du courage en politique. N’oublions
pas que lorsque Robert Badinter a aboli la peine de mort en
France, la majorité de ses concitoyens y était
hostile.
Pensez-vous réellement que
la revendication du mariage gay marque le retour en force
de l’institution matrimoniale ?
J’aimerais rappeler que le mariage
comporte deux dimensions susmentionnées :
- le mariage peut être considéré comme
un droit. De fait, l’octroi de ce droit aux unions de
même sexe s’inscrit dans un mouvement d’égalisation
des droits.
- le mariage contient une très forte dimension symbolique,
sinon, pourquoi tant de personnes qui ne pratiquent pas se
marieraient-ils à l’église ?
Quid des transsexuels (ou transgenres)
? Quel est le niveau de leur reconnaissance dans la société
? Est-ce que ceci détermine la prise en compte, par
les hommes politiques, de leurs souffrances ?
Nous [les députés Verts] avons
déjà eu l’occasion de déposer des
amendements sur le sujet. Nous ne sommes pas seuls à
les défendre, le PS nous suit sur ces questions –
sans toutefois déposer des amendements. Pour l’instant,
la législation sur les transgenres n’avance pas.
Ils ne sont que 2 à 3000 et donc leur poids électoral
est faible.
Que pensez-vous de l’annulation
du mariage des deux transsexuels de Reuil-Malmaison ?
Le refus d’accorder le mariage à
ce couple de transsexuel n’est pas justifié.
Au passage, on est face à une situation où deux
personnes de sexe différent souhaitent se marier. D’ailleurs,
le motif du refus, à savoir « l’absence
de projet matrimonial », n’existe pas en droit
civil. Imaginons le nombre de mariage sans procréation
qu’il faudrait refuser pour absence de projet matrimonial…
Si les deux futurs époux vont gagner à coup
sûr, les autorités ont décidé,
de leur côté, d’opter pour une stratégie
d’usure car l’un des deux est étranger
: on pourra toujours le menacer en lui retirant sa carte de
séjour.
Que pensez-vous de la loi sur la
parité ?
Si la loi sur l’égalité
salariale est une loi « bavarde » pour reprendre
l’expression du Président Jean-Louis Debré,
la loi sur la « Parité » était utile.
Incontestablement, c’est un progrès que l’on
peut constater en analysant l’évolution de la
composition des conseils municipaux et des conseils régionaux.
Mais attention : çà ne fonctionne que lorsque
l’on a des scrutins de liste. Mme Marie-Jo Zimmermann,
député UMP de la 3è circonscription de
Moselle et présidente de la délégation
de l’Assemblée Nationale aux droits des femmes
et à l’égalité des chances entre
les hommes et les femmes, propose d’instituer une parité
des élus, et non des candidats, ce qui suppose que
les partis doivent présenter un certain nombre de femmes
candidates dans les circonscriptions « gagnables ».
Comment le mesurer ? D’abord en comparant les taux d’élections
des femmes et des hommes et en tachant de limiter les écarts
obtenus. Ensuite, je le répète, il faut limiter
le nombre des cumuls de mandats électoraux : ainsi,
des postes se libèreront et l’on verra plus de
femmes sur les bancs de l’Assemblée Nationale
et du Sénat. Enfin, en ce qui attrait aux conseils
municipaux, on peut se féliciter de l’augmentation
significative de la participation des femmes en leur sein,
mais on regrettera qu’elles soient si souvent cantonnées
aux tâches secondaires telles les affaires familiales.
Démographie: peut-on évaluer
le nombre de cellules homoparentales en France ? Combien d’enfants
sont concernés ?
D’un point de vue démographique,
on estime à environ 100000 le nombre d’enfants
vivant dans des cellules homoparentales, et le chiffre s’accroît.
Le plus gros problème de ces enfants, c’est le
regard des autres et c’est là que doit intervenir
l’éducation nationale. Les programmes sont organisés
par décrets. Il n’est donc pas nécessaire
de voter une loi pour mettre en place des enseignements spécialisés
de sensibilisation sur ces sujets. Ce qu’il manque,
c’est une volonté politique suffisamment courageuse
pour voter ces décrets. La situation actuelle de l’éducation
nationale est loin de remplir ces exigences. Par exemple,
il y a quelques mois, l’association anti-IVG «
grossesse secours » est intervenue dans des salles de
classes pour y propager un discours contre la contraception
avec l'autorisation du ministère.
En outre, je regrette que dans la loi Fillon sur l’école
soient absentes des mesures de lutte contre les discriminations.
Or c'est par l'éducation que les choses changeront.
Autre point important : il n’y a pas assez de mesures
de lutte contre les discriminations dans les PME, qui emploient
pourtant la grande majorité des salariés français.
Les moyens à mettre en œuvre pour y arriver sont
pourtant si simples…
Concernant le travail législatif de
Martine Billard, vous pouvez consulter le document suivant
en cliquant dessus :
Proposition de loi clarifiant l'accès au mariage des couples de même sexe
|