Introduction : le point sur les mentalités
Ces derniers temps, les hommes
politiques se sont rendus compte que les homosexuels ont souffert.
Ils ont changé car les Français ont changé
et sont devenus plus tolérants et ouverts à
la différence. Cela dit, ils ne tiennent jamais le
même discours selon le lieu d’où ils parlent
: la fracture Paris/Province semble criante. Deux éléments
fondamentaux ont fait évolué les mentalités
: le débat sur le Pacs et la pandémie du Sida.
Cette dernière lame de fond a conduit paradoxalement
à donner plus de respectabilité aux homosexuels,
car ils ont été les premiers à porter
cette maladie.
Les hommes politiques, notamment à droite, ont beaucoup
évolué. Renaud Dutreil, que l’on voyait
en tête des manifestations anti-Pacs revêtir un
T-shirt estampillé « Pacs out », a beaucoup
réfléchi et évolué sur le sujet.
L’évolution des mentalités s’explique
aussi par le fait que la presse quotidienne régionale
(PQR) a su accompagner un certain changement dans les mentalités
au moment du Pacs : contrairement à ce que pensait
la droite parlementaire. La PQR n’était pas entièrement
soumise aux édiles locaux. Par exemple, cette presse
a relayé les difficultés des homosexuels de
vivre en Province (en grossissant le trait). De plus, la Télévision
a participé à ce débat de manière
très favorable, en montrant les homosexuels sous un
meilleur jour, cessant de caricaturer l’homosexualité.
« Boutin et moi »
Les rapports que Jean-Luc Romero entretient
avec Christine Boutin sont loin d’être exécrables.
Cette femme est sincère, chaleureuse et dégage
un certain charme. Problème : elle défend une
société dépassée. Il n’y
a pas de méchanceté chez elle, mais les homosexuels
aimeraient qu’elle n’éprouve pas que de
la « compassion » (son expression) à leur
égard. Juste du respect !
Sida et homosexualité : les
risques d’un amalgame
Si l’on propose à J.-L. Romero
d’intervenir lors d’une conférence sur
l’homosexualité en lui conseillant de ne pas
évoquer la maladie, il refusera d’y participer.
Il ne faut pas que les homosexuels oublient l’épidémie
de Sida. Les homosexuels ne peuvent pas renier une partie
de leur histoire. Au début, ils ont porté le
problème du Sida seuls et à bras le corps. Aujourd’hui
encore, 1/10è des homosexuels parisiens sont sidéens…
Les gays n’ont pas une sexualité plus protégée
que celle des hétéros. Par contre, les toxicomanes
ne sont presque plus touchés par le Sida car ils ont
été très bien responsables. A l’inverse,
on a pu constater un net relâchement chez les homosexuels.
Chez eux, l’union est moins solide, ne serait-ce que
juridiquement.
Le mariage homosexuel
Certes, il peut être symbolique, mais
il faut tout de même se battre pour cette institution
afin de parachever le combat pour l’égalité
que porte le mouvement homosexuel. C’est un mouvement
de fond qui touche tous les pays occidentaux. Dans moins de
10 ans – pour la France, aux prochaines législatives
(2007), la gauche va le proposer – beaucoup de pays
européens auront changé leur législation
pour permettre l’extension du mariage aux conjoints
de même sexe.
Cette lutte est aussi l’affirmation d’un certain
légalisme. J.-L. Romero n’encourage pas les homos
à détourner la loi ; il regrette la désobéissance
civile prônée par les Verts, et déplore
encore le mariage célébré par Noël
Mamère à Bègles. Selon lui, malgré
sa sincérité et donc involontairement, N. Mamère
a fait reculé la cause du mariage homosexuel dans l’opinion.
La caution homosexuelle de l’UMP
?
M. Romero est président de son propre
parti « Aujourd’hui, Autrement ». Ainsi,
il a les coudées franches pour parler plus librement
qu’au secrétariat national de l’UMP. Son
parti est affilié au vieux parti radical valoisien,
donc indirectement lié à l’UMP. Dans ses
deux derniers livres, Lettre à une droite maladroite
et Je n’ai jamais connu Amsterdam au printemps [Ramsay
– 2004], il ne développe pas seulement des thèses
dites « progressistes » sur l’homoparentalité,
mais aussi sur d’autres thèmes comme l’euthanasie,
la toxicomanie, la légalisation du cannabis, les raves
parties, ou encore l’abaissement de la majorité
à 16 ans. Bien que les médias ne retiennent
trop souvent que ses propos sur l’homosexualité,
M. Romero s’attaque à bien d’autres problèmes
de société, car il estime que tout doit avancer
d’un bloc, et non sujet après sujet : «
il faut tenir un même discours global sur tous les sujets
de société ».
Politique et société
En France, les hommes politiques ont la
fâcheuse tendance à survoler les questions de
société. Or, suite à l’accélération
de la mondialisation, de la construction européenne
et de la décentralisation, leurs marges de manœuvres
se sont considérablement réduites. Les sujets,
sur lesquels les parlementaires ont réellement prise,
sont justement les questions sociétales. Encore une
fois, les hommes politiques comprennent et appréhendent
mal l’évolution de notre société.
Un problème de génération
Si DSK et Fabius sont favorables au mariage
gay, c’est par conviction. Leur milieu « bobo
» les pousse à le penser. Jospin appartient à
une autre génération. Plus les gens sont jeunes,
plus ils sont favorables au mariage homosexuel. N’oublions
pas que Jospin n’a pas fait le Pacs avec enthousiasme
: d’ailleurs, c’était la proposition de
deux députés [PPL de MM. Bloche et Michel] et
non un projet gouvernemental.
Egalité des droits, différenciation
et tentation communautaire
Les homosexuels semblent aligner leurs comportements
sur ceux des hétérosexuels.
La « marche des fiertés » dessert-elle
la cause homosexuelle ? Pour l’instant, non... A l’avenir,
il faudra peut-être renouveler la formule – ce
qui a déjà été fait d’ailleurs.
Les dernières « marches » ont changé.
Le traitement médiatique est plus sérieux et
moins centré sur les exhibitions. Par exemple, les
journalistes interrogent plutôt les hommes politiques
et les représentants des homosexuels des Grandes Ecoles
ou des entreprises sur leurs revendications sociales et politiques.
Aujourd’hui, ce que l’on appelait la « gay
pride » est devenue la plus grande manifestation de
France (500 000 personnes) : c’est lourd de symbole
et porteur d’espoir.
Etre homosexuel en banlieue
M. Romero raconte une anecdote saisissante.
Un jour, un « beur » prend un RDV pour le rencontrer
à sa permanence d’élus, sans donner de
motif de visite. Il finit par avouer, devant Romero, la raison
de sa venue : « Tous les week-ends, dit-il, je vais
casser du PD dans les lieux de dragues. » Problème
: cette même personne est également homosexuelle…
et se force à suivre ses congénères homophobes,
pour ne pas passer pour un « homo » auprès
d’eux. Ici, tout s’accumule : misères sentimentale,
professionnelle et sociale. Dans les milieux d’origine
maghrébine, l’homosexualité est plus difficile
à vivre que dans les milieux juifs, où l’on
retrouve une moins grande indigence matérielle.
Le lobby gay
Le mot lobby est acceptable, mais l’expression
« pouvoir homosexuel » est condamnable. Les néos
homophobes ont inventé cette idée de pouvoir
pour renouveler leur discours homophobe, d’autant que
la loi leur interdit désormais les insultes. Historiquement,
la gauche a toujours été plus proche des minorités
; la droite a eu plus de mal à accepter les différences.
Elle semble évoluer et comprendre que les différences
peuvent être une richesse dans une société.
Homoparentalité et études
sur l’adoption
La loi du 11 juillet 1966 doit être
revue car son esprit a été dévoyé.
Pendant longtemps, on a craint l’homoparentalité
par une assimilation « fumeuse » et inacceptable
de l’homosexualité à la pédophilie.
Evidemment, la majorité des pédophiles sont
hétérosexuels, et bien sûr l’immense
majorité des homosexuels ne sont pas pédophiles.
Comme l’adoption est accordée aux célibataires
de plus de 28 ans, il suffit qu’un homosexuel cache
son homosexualité pour pouvoir adopter ! Peut-être
est-ce parce que la loi suppose que les célibataires
(re)formeront bientôt un couple.
En France, il n’y a pas d’études sur l’homoparentalité
car elles ne sont pas financées. Pourquoi ? Parce que
l’on se doute - ou plutôt l’on craint -
qu’elles soient favorables à l’adoption
par les couples homosexuels. D’ailleurs, le doute qui
subsiste en France à la lecture des études américaines
sur ce sujet semble assez irrationnel. Aux E.U.A., l’Académie
des pédiatres et l’Académie des psychiatres,
qui comptent chacune des dizaines de milliers de membres,
sont majoritairement favorables à l’adoption.
Le sort des enfants de couples de
même sexe
Très souvent, ces enfants sont sensibles
et font preuve d’une certaine maturité. Du coup,
ils se concentrent sur leurs études et sont meilleurs
à l’école – c’est surtout
le cas des enfants de couples lesbiens, dont la réussite
scolaire est la même que celle des enfants de couples
hétérosexuels solides (cf. Claude Habib). Des
études, américaines toujours, ont démontré
que les enfants qui réussissaient le mieux étaient
éduqués par des couples H/F ou lesbiens. Les
enfants de couples de même sexe se trouvent dans la
situation sociale des enfants des divorcés ou des «
filles-mères » des années 1960-70.
Pour les couples homosexuels masculin, l’absence de
mère est à relativiser, car l’image de
la femme est omniprésente dans notre société
[matriarcale]. Acquis de luttes politiques longues et inachevées,
le droit à l’adoption ne sera pas « gaspillé
» par les homosexuels. De fait, [et comme l’exemple
hollandais le montre], ils témoigneront d’une
plus grande attention à l’égard de leurs
enfants.
Revenons un instant sur le mariage : arrêtons d’être
hypocrites. Si l’on accorde le mariage, on accordera
l’adoption !
1968 a fait évoluer la famille. Les élus doivent
regarder en face les nouvelles formes de conjugalité
et ajuster le droit en conséquence. Si la coparentalité
éclate, le régime de la garde d’enfants
pourra s’y adapter sur le modèle de celui des
divorcés hétérosexuels. De toute façon,
les solutions de droit seront apportées quand les problèmes
surgiront. Le droit ne peut plus rester aveugle face aux situations
familiales nouvelles telles le « gay baby boom »
(évalué à 17 millions d’enfants
aux E.U.A. ; 200.000 en France selon l’APGL). Les jeunes
homosexuels sont plus libérés car ils vivent
mieux leur homosexualité et souhaitent avoir des enfants.
Retour sur Bègles
Le mariage de Bègles a fait reculer
cette cause dans les sondages. Les Français sont plus
légalistes que l’on croît. En effet, ce
qui s’est passé à Bègles a choqué
des gens a priori favorables au mariage homosexuel. Cette
affaire était beaucoup trop médiatique et people
: limousine, caméras dans la mairie et la voiture,
etc. Le mariage a été vendu à la presse
et ça n’a malheureusement pas fait avancer la
cause, même si je respecte le geste militant de ce premier
couple homosexuel à avoir franchi le pas d’une
mairie pour se marier.
Et au Parlement ?
A l’UMP, les parlementaires n’évoluent
pas aussi vite que nos concitoyens. Jean-Louis Debré
a accompli une action très symbolique en nommant Patrick
Bloche président de la mission parlementaire d’information
sur la famille et les droits des enfants. Il présidera
les débats. Valérie Pécresse rédigera
le rapport des travaux.
Il y a une vraie résistance à droite sur le
mariage homosexuel, car les élus de l’UMP sont
plus conservateurs que ne l’est la société.
Il est pourtant légitime d’évoquer ce
sujet dans une mission d’information sur la famille.
On peut avoir une lueur d’espérance en ce que
les jeunes hommes politiques sont moins hypocrites aujourd’hui,
notamment en province.
Aujourd’hui, on estime que les homosexuels représentent
entre 5 et 8 % d’une société occidentale.
A Paris, la moitié des familles sont monoparentales
: c’est une réalité que le politique se
doit de reconnaître sans pour autant porter un jugement
moral. Du coup, aujourd’hui, plus personne, sur l’échiquier
politique français, ne défendra la famille nucléaire
traditionnelle. Plus personne ne veut condamner les familles
monoparentales. D’ailleurs, ce n’est pas l’homosexualité
des hommes politiques qui dérange les Français,
mais leurs hypocrisies, leurs mensonges.
L’effet Delanoë
Il existe, mais pas chez les hommes politiques.
Il est clair que Paris, ville tentaculaire et anonyme, attire
plus les homosexuels que la campagne berrichonne. Si la gauche
l’a emporté à Paris en rassemblant les
suffrages gays, ce n’est pas parce que l’actuel
maire est homosexuel, mais parce que la droite s’est
montrée très méprisante à leur
égard .
Comportement sexuel et identité
Jean-Luc Romero parle d’une «
identité sexuelle ». Il est contre le communautarisme,
car ce phénomène enferme les gens dans leur
identité sexuelle, au risque d’atteindre leur
intégration et leur autonomie.
Néanmoins, ce sont souvent les hétéros
qui copient les homos. Exemple: des endroits catalogués
« homos » comme le Queen sont envahis par les
hétéros – exceptés les endroits
de « consommation sexuelle ». Exemple : dans la
mode.
Jean-Luc Romero réfute souvent les arguments qui différencieraient
les homos des hétéros. Par exemple, si le jour
de la gay pride, on observe de nombreux homosexuels faisant
preuve d’excentricité sur des chars, on voit
autant d’hétérosexuels aussi exubérants
lors de la techno parade. Autre exemple : si les homos font
plus régulièrement la fête, c’est
parce qu’ils n’ont pas - pour la plupart aujourd’hui
- d’enfants et peuvent donc mécaniquement sortir
plus souvent. Certains ont aussi besoin de se libérer
d’une pression sociale pas toujours apaisante. Au passage,
dire que les homos ont un niveau de vie plus élevé
que la moyenne des Français est un fantasme.
L’association « L’autre cercle »,
présentée comme le MEDEF gay, n’accrédite
pas nécessairement la thèse selon laquelle le
comportement sexuel d’un chef d’entreprise peut
influencer sa politique de recrutement, au risque de commettre
des discriminations. Seulement voilà, les entreprises
dirigées par des gays éprouvent un besoin logique
de se protéger et de se défendre juridiquement
pour obtenir des autorisations d’implantation, de bars
gays par exemple en province où certains élus
locaux traînent les pieds.
Prendre les questions de société
comme un bloc : le cas Gay-lib
La droite doit évoluer sur toutes
les questions de société : l’homosexualité
en est une parmi d’autres - toxicomanie, euthanasie,
raves parties, pornographie, abaissement de la majorité,
etc. L’initiative de Gay-lib est intéressante
mais aujourd’hui, elle a moins de sens : le projet de
loi sur l’homophobie est passé à l’AN,
une mission d’information sur la famille a été
lancée et le Sida est décrété
« grande cause nationale pour 2005 ». De plus,
je crois qu’il est plus stratégique de travailler
- comme nous l’avons fait à On Est Là
! - avec des hétéros qui seront mieux entendus
s’ils défendent, avec nous, l’égalité
des droits entre homos et hétéros. De plus,
il me semble que la droite doit évoluer sur toutes
les questions de société : pas seulement sur
l’homosexualité.
A droite comme à gauche, on cherche des figures représentatives
de l’évolution de la société. Ex
: Boutih, Désir, Delanoë. En tout cas, les mentalités
et les politiques publiques évoluent plus rapidement
sur l’homosexualité que sur la toxicomanie.
En ce qui concerne l’évolution de la pandémie
de Sida, M. Romero est des plus pessimistes. Selon lui, la
gauche n’a pas toujours été à la
hauteur dans le traitement de la maladie (Cf. Fabius refusant
d’accorder la vente-libre des seringues en pharmacie
pour des raisons purement électoralistes. Des gens
sont morts, mais tout le monde s’en moquait puisqu’il
s’agissait de toxicomanes…). En 1990, 25 % des
Sidéens étaient toxicomanes. En 2005, cette
proportion est tombée à moins de 3 %. En revanche,
plus de 33% sont homosexuels – 1 gay sur 10 est séropositif
à Paris. Les Pr Kazatchkine et Rozenbaum (co-découvreur
du virus avec le Pr Montagnier) sont aussi très inquiets
de l’évolution actuelle de la pandémie
chez les homosexuels et les hétérosexuels qui
sont désormais la population majoritaire touchée
par le VIH.
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