PROPOSITION
DE LOI
clarifiant l’accès au mariage
des couples de personnes de même sexe
(Renvoyée à la commission des
lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration
générale de la République, à défaut
de constitution d’une commission spéciale dans
les délais prévus par les articles 30 et 31
du Règlement.)
PRÉSENTÉE PAR Mme MARTINE BILLARD,
MM. YVES COCHET et NOËL MAMÈRE, Députés.
N° 1650
ASSEMBLÉE NATIONALE - CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
– 12è LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée
nationale le 8 juin 2004.
EXPOSÉ DES MOTIFS (c’est nous
qui soulignons)
MESDAMES, MESSIEURS,
Aucun des articles du code civil régissant
le mariage (articles 144 et suivants) ne dispose explicitement
que seuls les couples hétérosexuels peuvent
contracter un mariage. Or, l’existence de couples homosexuels
stables est une réalité. L’institution
du mariage civil, telle que pratiquée aujourd’hui
dans notre pays, est discriminatoire à l’égard
des couples composés de personnes de même sexe.
Pour les personnes homosexuelles voulant vivre en couple,
l’égalité avec le reste de la société,
normée sur le modèle de l’hétérosexualité,
n’est pas assurée. Alors que les couples hétérosexuels
ont le choix entre trois statuts (concubinage, PACS ou mariage),
les couples lesbiens ou gays sont limités dans leur
choix au concubinage ou au PACS. Cette discrimination se traduit
en conséquence par une inégalité de traitement,
contraire au principe constitutionnel d’égalité
des droits, à divers moments importants de la vie :
régime de la propriété des biens, régime
de l’imposition, régime de la succession, régime
des droits d’entrée et de séjour et de
l’accès à la nationalité française,
lorsqu’un des conjoints n’a pas la nationalité
française ; ce qui menace parfois l’existence
même du couple dans la durée, si le conjoint
n’est pas citoyen de l’Union européenne.
L’inégalité de traitement commence au
moment même où sont actés ces deux types
de contrats : célébration du mariage en mairies
contre signature du PACS dans les tribunaux.
L’adoption de la loi 99-944 sur le
Pacte civil de solidarité (PACS) a attesté de
la prise en compte par la représentation nationale
de l’évolution de la société sur
la question de l’union civile entre deux personnes adultes
(qu’elles soient de même sexe ou de sexe différent),
dispositif plus souple que le contrat de mariage, tant en
terme de droits que de devoirs. Les premières années
écoulées depuis l’entrée en vigueur
de la loi 99-944 du 15 novembre 1999 ont montré que
le PACS n’a aucunement bouleversé les assises
de notre société, contrairement à ce
que certains membres de la représentation nationale
avaient alors redouté. Le PACS a bel et bien répondu
à une attente de la société, puisque,
début 2004, plus de 104 900 pactes civils de solidarité
avaient été signés. En outre, nous constatons
l’acceptation dans la société française
du principe d’unions homosexuelles qu’attestent
les succès populaires rencontrés chaque année
par les manifestations de revendication de l’égalité
des droits. Le mariage civil est lui-même une institution
ayant profondément évolué, depuis sa
création en 1791, en tenant compte des évolutions
de la société (passage d’une sujétion
juridique de l’épouse à une totale égalité
en droits et en devoirs des époux ; passage de la puissance
paternelle à l’autorité parentale, pour
ne citer que deux exemples). Alors qu’est célébré,
en cette année 2004, le bicentenaire du code civil,
il convient d’y lever toute ambiguïté et
vide juridique en ce qui concerne le mariage.
Aussi, nous faut-il rappeler quels sont les
principes régissant le mariage civil, à savoir
une union à caractère familial entre deux personnes
adultes, célébrée par un officier d’état
civil. L’union matrimoniale a un caractère familial
dès sa conclusion qui n’est pas subordonné
à l’arrivée d’un autre membre, par
procréation ou par adoption. La notion de famille commence
ainsi dès la constitution du couple, protégé
en tant que tel par l’article 8 de la convention européenne
des droits de l’Homme qui garantit le droit de chaque
citoyen au respect de la vie privée et familiale.
Le droit de contracter le mariage repose
uniquement sur le principe du consentement des deux parties
contractantes qu’atteste la procédure de vérification
du libre choix, lors de sa célébration.La vocation
de l’union matrimoniale ne repose pas sur une quelconque
finalité de procréation par le couple hétérosexuel,
puisqu’il n’est à aucun moment exigé
à un couple hétérosexuel désireux
de contracter un mariage, de prouver comme condition préalable
qu’il a l’intention de procréer ; sinon
le mariage serait interdit aux femmes qui ne sont plus en
âge de procréer. De même, il n’est
jamais demandé à un couple hétérosexuel
qui veut se marier de prouver par son acte qu’il entend
en faire un geste d’utilité sociale propre à
son caractère hétérosexuel, qui viendrait
s’ajouter à la seule volonté réciproque
de s’unir des deux personnes contractantes. Si, dans
la perspective du droit canon, la procréation est essentielle
au mariage, il n’en va pas de même dans le mariage
civil, le seul ayant valeur légale, qui prévoit
certes la répartition des charges relatives aux éventuels
enfants, mais ne fait pas de l’absence de procréation
une cause de nullité du mariage. De plus, il convient
de préciser que le mariage n’est pas la seule
institution qui garantit la sécurité de la filiation
; la filiation naturelle étant elle-même garantie
par le code civil (voir notamment la loi 72-3 du 3 janvier
1971).
Plusieurs pays de l’Union européenne
ont déjà ouvert le mariage aux couples homosexuels.
La Belgique qui connaît la même tradition juridique
que la France et où le code civil ne prévoyait
nulle part explicitement que seules les personnes de sexe
différent pouvaient contracter mariage, le législateur
a jugé utile, par la loi du 13 février 2003
entrée en vigueur le 1er juin 2003, de préciser
la possibilité pour des personnes de même sexe
de se marier civilement. Ainsi le nouvel article 143 du code
civil belge dispose : « Deux personnes de sexe différent
ou de même sexe peuvent contracter mariage ».
Partant de cette même volonté
de lever toute ambiguïté dans le code civil, et
sans préjudice d’une légitime révision
à la hausse des droits ouverts aux couples contractant
un PACS (régime fiscal, régime de droits d’entrée
et de séjour en France et d’acquisition de la
nationalité, pension de réversion de retraites
pour les conjoints survivants), la présente proposition
de loi définit explicitement, à l’article
144 de notre code civil, le mariage comme une union pouvant
être conclue par deux personnes adultes consentantes
(deux femmes, deux hommes ou une femme et un homme), et étant
célébrée par un officier d’état
civil. Conformément à cette précision,
le droit de contracter mariage est bien sûr ouvert à
toute personne transsexuelle après changement légal
de sexe comme à toute personne transgenre sans changement
légal de sexe. Les droits acquis dans le mariage des
personnes transsexuelles mariées, ayant changé
de sexe dans le mariage ou après un divorce, ne sont
pas remis en cause. En outre, il est prévu d’autoriser
le mariage pour tout adulte, après dix-huit ans révolus,
qu’il soit homme ou femme.
Loin de prévoir une disposition d’ordre
catégoriel, la présente proposition de loi de
clarification et de définition du mariage s’appuie
sur le principe ayant valeur constitutionnelle de l’égalité
des droits et de traitement, sans aucune distinction ou discrimination,
qui est le fondement de la société française
depuis la Déclaration des Droits de l’Homme et
du Citoyen du 26 août 1789, rappelée dans le
Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958.
Tel est le contenu de la proposition de loi
qu’il vous est demandé, Mesdames, Messieurs,
de bien vouloir adopter.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Au sixième alinéa de l’article 75 du code
civil, les mots : « pour mari et femme » sont
remplacés par les mots : « conjointement pour
époux ».
Article 2
Au premier alinéa de l’article 108 du code civil,
les mots : « Le mari et la femme » sont remplacés
par les mots : « Les conjoints unis par le mariage ».
Article 3
L’article 144 du code civil est ainsi rédigé
: « Le mariage est l’union célébrée
par un officier d’état civil entre deux personnes
de même sexe ou de sexe différent, ayant toutes
deux dix-huit ans révolus.»
Article 4
A l’article 162 du code civil, sont insérés
après les mots : « le frère et la soeur
», les mots : « , deux frères ou deux soeurs,
».
Article 5
I.– A l’article 163 du code civil, sont insérés
après les mots : « la nièce », les
mots : « ou le neveu ».
II. – Au même article, sont insérés
après les mots : « le neveu », les mots
: « ou la nièce ».
Article 6
I.– A l’article 164 du code civil, sont insérés
après les mots : « la nièce », les
mots : « ou le neveu ».
II.– Au même article, sont insérés
après les mots : « le neveu », les mots
: « ou la nièce ».
Article 7
Au deuxième alinéa de l’article 371-1
du code civil, les mots : « père et mère
» sont remplacés par le mot : « parents
».
Article 8
Au premier alinéa de l’article 412 du code civil,
les mots : « Le mari peut représenter la femme
ou réciproquement » sont remplacés par
les mots : « Deux époux peuvent se représenter
l’un l’autre réciproquement».
Article 9
A l’article 980 du code civil, les mots : « le
mari et la femme » sont remplacés par les mots
: « deux époux ».
Article 10
L’article 2254 du code civil est modifié comme
suit :
I. – Les mots : « contre la femme mariée
» sont remplacés par les mots : « contre
la personne mariée ».
II. – Les mots : « dont le mari » sont remplacés
par les mots : « dont le conjoint ou la conjointe par
le mariage ».
III. – Les mots : « contre le mari » sont
remplacés par les mots : « contre le conjoint
ou la conjointe par le mariage ».
Article 11
Afin de garantir l’égalité des droits
entre couples unissant des personnes de même sexe et
couples unissant des personnes de sexe différent, un
décret en Conseil d’Etat modifie toutes les mesures
d’ordre réglementaire concernant le mariage qui
indiqueraient, explicitement ou implicitement que le mariage
ne s’entendrait que comme l’union d’une
femme et d’un homme.
Extraits du Code civil (2005)
Article 75
Le jour désigné par les parties, après
le délai de publication, l'officier de l'état
civil, à la mairie, en présence d'au moins deux
témoins, ou de quatre au plus, parents ou non des parties,
fera lecture aux futurs époux des articles 212, 213
(alinéas 1 et 2), 214 (alinéa 1er) et 215 (alinéa
1er) du présent code. Il sera également fait
lecture de l'article 371-1.
Toutefois, en cas d'empêchement grave, le procureur
de la République du lieu du mariage pourra requérir
l'officier de l'état civil de se transporter au domicile
ou à la résidence de l'une des parties pour
célébrer le mariage. En cas de péril
imminent de mort de l'un des futurs époux, l'officier
de l'état civil pourra s'y transporter avant toute
réquisition ou autorisation du procureur de la République,
auquel il devra ensuite, dans le plus bref délai, faire
part de la nécessité de cette célébration
hors de la maison commune.
Mention en sera faite dans l'acte de mariage.
L'officier de l'état civil interpellera les futurs
époux, et, s'ils sont mineurs, leurs ascendants présents
à la célébration et autorisant le mariage,
d'avoir à déclarer s'il a été
fait un contrat de mariage et, dans le cas de l'affirmative,
la date de ce contrat, ainsi que les nom et lieu de résidence
du notaire qui l'aura reçu. Si les pièces produites
par l'un des futurs époux ne concordent point entre
elles quant aux prénoms ou quant à l'orthographe
des noms, il interpellera celui qu'elles concernent, et s'il
est mineur, ses plus proches ascendants présents à
la célébration, d'avoir à déclarer
que le défaut de concordance résulte d'une omission
ou d'une erreur.
Il recevra de chaque partie, l'une après l'autre, la
déclaration qu'elles veulent se prendre pour mari et
femme : il prononcera, au nom de la loi, qu'elles sont unies
par le mariage, et il en dressera acte sur-le-champ.
Article 108
Le mari et la femme peuvent avoir un domicile distinct sans
qu'il soit pour autant porté atteinte aux règles
relatives à la communauté de la vie.
Toute notification faite à un époux, même
séparé de corps, en matière d'état
et de capacité des personnes, doit également
être adressée à son conjoint, sous peine
de nullité.
Article 144
L'homme avant dix-huit ans révolus,
la femme avant quinze ans révolus, ne peuvent contracter
mariage.
A l’Assemblée Nationale. Première séance
du mardi 12 avril 2005.
Adoption/homoparentalité : "On incite les candidats
à l’adoption à ne pas faire état
de leur homosexualité. C’est le comble de l’hypocrisie
!".
Compte rendu de la séance.
Amendemement après l’article
1er.
Mme Martine Billard. L’amendement que
je vous propose d’adopter vise à inscrire dans
la partie législative du code de l’action sociale
et des familles, à l’article L. 225-4, des dispositions
générales qui reprennent celles formulées
à l’article 9 du décret de 1985 relatif
à l’agrément. Celui-ci dispose qu’aucun
refus d’agrément ne peut être motivé
par la seule constatation de l’âge, de la situation
matrimoniale du demandeur ou de la présence d’enfants
à son foyer. Je propose d’ajouter dans la loi
que le refus ne peut être motivé par la constatation
de l’orientation sexuelle du demandeur ou de sa situation
conjugale, qu’il soit célibataire, marié,
en concubinage ou lié par un PACS.
La loi de 1966 a donné individuellement aux célibataires
de plus de vingt-huit ans le droit d’adopter et le décret
du 23 août 1985 a exclu qu’il soit allégué
de la situation matrimoniale du candidat pour refuser un agrément.
Pourtant, les homosexuels, notamment ceux vivant en couples
- en concubinage ou liés par un pacte civil de solidarité
- se le voient refuser, dès lors qu’ils ne cherchent
pas à dissimuler leur orientation sexuelle lors de
l’enquête sociale.
Je vous propose d’en finir avec cette hypocrisie. De
fait, à l’exception des départements de
Paris et de l’Hérault, les conseils généraux
refusent quasi systématiquement l’agrément
au seul motif de l’orientation sexuelle du demandeur,
alors même que ce dernier présente toutes les
garanties sur les plans familial, éducatif et psychologique
pour accueillir un enfant. Ou alors il lui est conseillé
de cacher son orientation sexuelle ou le fait qu’il
vive en couple.
En décembre 2000, la cour administrative d’appel
de Nancy a désavoué l’arrêt par
lequel le tribunal administratif de Besançon annulait
une telle décision émanant du conseil général
du Jura. Auparavant, deux arrêts du Conseil d’État
de 1996 et 1997 incitaient même les candidats à
l’adoption à ne pas faire état de leur
homosexualité. C’est le comble de l’hypocrisie
!
Un tel refus d’agrément, qui exclut par principe
une catégorie de citoyens des procédures d’adoption,
peut donc être considéré comme discriminatoire,
alors même que l’article 13 du traité d’Amsterdam,
ratifié par la France, stipule que les États
signataires doivent combattre toutes discriminations fondées
sur l’orientation sexuelle. Ce principe figure d’ailleurs
aussi dans le projet de traité de Constitution européenne.
De même, les personnes homosexuelles sont censées
être protégées des discriminations, en
droit français, par l’article L. 225-1 du code
pénal et l’article 1er de la Constitution.
Il existe déjà une abondante littérature
médicale sur les enfants issus de couples homoparentaux
qui démontre qu’ils ne souffrent d’aucun
problème spécifique. Les taux d’addiction,
de fugues ou de suicides ne diffèrent guère,
que les parents soient en couples homosexuels ou hétérosexuels.
Je vous propose donc de mettre fin aux discriminations actuelles
et à l’hypocrisie régnante.
M. Richard Mallié (UMP). Rien que ça !
Mme Michèle Tabarot, rapporteure. D’abord, le
texte dont nous débattons aujourd’hui est technique
et non politique. Ensuite, les départements ont toute
légitimité à accorder ou non l’agrément.
Si nous réglementons tout, calibrons tout, nous interférons
dans le travail de la commission d’adoption chargée,
dans un délai de neuf mois, de l’instruction
de la délivrance d’agrément. Enfin, une
mission d’information sur la famille travaille de façon
active depuis plusieurs semaines maintenant. C’est dans
ce cadre que doit être examinée la proposition
de Mme Billard. La mission a en effet toute possibilité
d’étendre ses domaines de réflexion. Les
conclusions de ses travaux nous conduiront peut-être
à prendre certaines décisions. En résumé,
la demande de Mme Billard est prématurée et
n’a pas sa place dans le texte que nous examinons.
M. le ministre des solidarités, de la santé
et de la famille. Avis défavorable. Le texte que nous
examinons aujourd’hui porte sur l’adoption internationale.
Dans un tel contexte, il n’est pas uniquement question
des lois françaises, mais aussi de la législation
des pays d’origine des enfants adoptés. Pour
importante que soit la question de l’homoparentalité,
elle n’a donc pas sa place ici. Foin d’hypocrisie,
en effet ! Défendez vos convictions dans le cadre de
la mission d’information sur la famille. Réfléchissons
ensemble, par-delà les clivages politiques, à
cette question. Mais ne l’abordons pas à l’occasion
de l’examen d’un texte technique, comme vient
de le dire Mme Tabarot, sur l’adoption internationale
qui dépasse très largement le cadre des lois
françaises.
Mme Patricia Adam (PS). L’amendement proposé
par notre collègue est important. Certes, comme viennent
de le dire Mme la rapporteure et M. le ministre, une mission
travaille actuellement sur le sujet de la parentalité,
sous l’angle à la fois de la famille et des droits
de l’enfant, et il serait possible d’aborder la
question de l’homoparentalité à l’issue
des travaux de celle-ci, et même d’envisager de
déposer une proposition de loi. Mais on pourrait en
dire autant du présent texte, discuté dans le
cadre d’une niche parlementaire. Il ne présente
aucun caractère d’urgence et on aurait très
bien pu attendre - cela aurait été même
prudent - que la mission termine ses travaux avant de l’examiner.
Elle doit rendre ses conclusions à la fin de l’année.
La défenseure des enfants souligne, par ailleurs, dans
son rapport d’activité de 2004 que l’homosexualité
ne saurait constituer un critère inavoué de
refus d’agrément. Or les appréciations
diffèrent en la matière selon les départements,
ce qui crée un problème d’équité.
Enfin, la loi permet depuis 1966 la création d’un
lien de filiation entre un enfant et un célibataire,
quels que soient les choix sexuels de ce dernier.
Je suis donc favorable à cet amendement, sur lequel
je demande un scrutin public.
Mme Muguette Jacquaint (PCF). Cet amendement est important.
J’entends bien les arguments de M. le ministre : une
discussion, plus large, a lieu actuellement sur la famille.
Mais alors, pourquoi, comme vient de le dire Mme Adam, avoir
précipité l’inscription à l’ordre
du jour de la proposition dont nous débattons, en profitant
d’une niche parlementaire, alors que vous saviez pertinemment
que la question de l’homoparentalité serait abordée
à cette occasion ? Qu’est-ce qu’on demande
aux parents adoptifs ? En premier lieu, l’amour des
enfants ! Or, aucune étude n’affirme que des
parents homosexuels en seraient moins capables.
M. Yves Nicolin et Mme Christine Boutin (UMP). Il n’existe
aucune étude !
Mme Muguette Jacquaint. Je ne comprends pas pourquoi une question
aussi importante n’est pas abordée dans le présent
texte. Il nous paraît important d’adopter cet
amendement car il tend à inscrire dans la loi le droit
pour des demandeurs pacsés ou concubins, vivant ensemble,
quel que soit leur sexe,...
Mme Christine Boutin. Leur sexualité ! Ce n’est
pas tout à fait pareil !
Mme Muguette Jacquaint. ...d’adopter un enfant et de
lui donner autant d’amour que les autres parents.
Mme Christine Boutin. C’est reparti !
M. Richard Mallié. Pauvre France !
M. Yves Nicolin (UMP). La proposition de loi que nous examinons
concerne les modalités techniques de l’adoption,
non l’adoption en elle-même. L’amendement
déposé par Mme Billard, M. Cochet et M. Mamère
reflète un débat qui a lieu dans notre pays
qu’il ne nous appartient pas de trancher aujourd’hui.
Ce serait, d’ailleurs, un manque de considération
vis-à-vis des communautés homosexuelles que
de prétendre régler le problème de l’homoparentalité
au détour d’un amendement. La mission d’information
sur la famille abordera le sujet. D’autres cénacles
s’en saisiront. Très sincèrement, ce n’est
pas au détour d’un amendement que cette question
peut être tranchée. Personne ne nie qu’un
couple homosexuel soit capable d’apporter autant d’amour
à un enfant qu’un couple hétérosexuel.
J’attire simplement votre attention sur le fait que,
en matière d’adoption, ce sont les intérêts
supérieurs de l’enfant qui doivent être
pris en compte, et non un prétendu droit à l’adoption.
(Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union
pour un mouvement populaire.) Par conséquent, ce qui
importe ce n’est pas de permettre à telle ou
telle personne d’adopter un enfant mais, au contraire,
à tel ou tel enfant de trouver une famille. Par ailleurs,
il n’existe aucune étude concernant les enfants
vivant dans des foyers homosexuels. Ne vous prévalez
donc pas d’études qui n’existent pas !
Je précise que le problème de l’homoparentalité
est également abordé au CSA. Enfin, la présente
proposition de loi n’est aucunement examinée
dans la précipitation. Elle vient au contraire en son
temps puisque nous travaillons sur le sujet depuis plusieurs
mois. Elle a fait l’objet de suffisamment d’échanges
avec l’ensemble des partenaires pour ne pas donner cette
impression. En abordant la question au détour d’un
amendement, vous prenez en otages à la fois les candidats
à l’adoption qui attendent impatiemment leur
agrément,...
Mme Martine Billard. Un peu de respect pour les vrais otages
!
M. Yves Nicolin. ...les homosexuels et, surtout, les enfants
en attente d’adoption. (Applaudissements sur les bancs
du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Pierre-Christophe Baguet (UDF). L’amendement de Mme
Billard n’a absolument pas sa place dans le présent
texte. La proposition de loi que nous examinons a pour objet
de faciliter le parcours difficile des familles françaises
qui veulent adopter des enfants, notamment à l’étranger.
Je regrette profondément l’introduction tardive
et en catimini de cet amendement. Elle ne vise qu’à
faire un coup politique. La démarche proposée
va générer plus de confusion que de solutions.
Enfin, je rappelle que la mission famille n’a pas vocation
à ratifier en quoi que ce soit les demandes de Mme
Billard, d’autant qu’elle porte également
sur les droits de l’enfant et il y aurait beaucoup à
dire à ce sujet ! On doit promouvoir le droit de l’enfant
et non pas le droit à l’enfant. (Applaudissements
sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française
et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Mme la présidente. Sur le vote de l’amendement
n° 14, je suis saisie par le groupe socialiste d’une
demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans
l’enceinte de l’Assemblée nationale.
M. Jean-Marc Nesme (UMP). Je souhaiterais m’exprimer
sur le fond de cet amendement, en me fondant sur les droits
de l’homme. Ceux-ci ne reflètent pas l’air
du temps. Ils ne sont pas l’expression d’une section
du peuple, qui aspirerait à identifier ses droits au
droit. Ils appartiennent à l’humanité
tout entière. Et loin d’être le plus petit
dénominateur commun, leur consensus, leur universalité
et leur intemporalité font leur force. Or l’homoparentalité
est tout simplement incompatible avec les droits universels
de l’homme. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste
et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Le droit international, depuis la déclaration des droits
de l’enfant de 1923 jusqu’à la convention
de New York relative aux droits de l’enfant du 20 novembre
1989 et à la convention de La Haye sur la protection
des enfants et la coopération en matière d’adoption
internationale du 29 mai 1993 repose sur trois fondements
convergents : la famille est formée d’un père
et d’une mère ; l’enfant a droit à
une famille ; enfin, l’intérêt supérieur
de l’enfant doit être garanti par la société.
Une famille est donc formée d’un homme et d’une
femme. Cela reprend l’article 16 de la déclaration
des droits de l’homme de 1948. Les deux grands pactes
de l’ONU, le pacte international des droits civils et
politiques, en son article 23, comme le pacte international
des droits économiques, sociaux et culturels, en son
article 10, ont cette formule admirable : « La famille
est l’élément naturel et fondamental de
la société. » La notion de famille revient
comme un leitmotiv dans tous les préambules. Ce postulat
a un corollaire : le droit de se marier et de fonder une famille
est reconnu à l’homme et à la femme -
aux termes de l’article 23 précité. L’humanité
ne procède pas de la génération spontanée.
Je tirerai la conclusion de ces traités internationaux,
que notre pays a ratifiés et signés : si nous
ne voulons pas nous dédire ou aboutir un déni,
nous devons refuser de voter une loi qui autoriserait un couple
ou un célibataire revendiquant une orientation sexuelle
à adopter un enfant, en privant radicalement ce dernier
du droit à un père et à une mère.
(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) L’enfant
adopté ne devient alors qu’un simple objet de
substitution auquel un adulte prétend avoir droit,
alors que, selon le droit international, c’est à
une famille de substitution que l’enfant peut prétendre.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union
pour un mouvement populaire.)
M. Serge Blisko (PS). C’est l’Opus Dei !
Plusieurs députés du groupe socialiste. C’est
honteux !
M. Richard Mallié (UMP). Ce matin, nous traitons de
l’intérêt de l’enfant. (Exclamations
sur les bancs du groupe socialiste.) Nous parlons d’adoption
internationale. Cela signifie donc que l’enfant vient
d’un pays étranger. Imaginez cet enfant étranger
qui arrive sur un territoire qu’il n’a jamais
vu, qui entend parler une langue qu’il ne comprend pas,
qui entre dans une famille qu’il ne connaît pas
- peut-être d’ailleurs n’en avait-il pas
auparavant. Ce milieu lui est totalement étranger,
au sens propre comme au sens figuré. J’ai eu
trois enfants - on considère aujourd’hui cela
comme une famille nombreuse. J’ai vu ces enfants évoluer
à l’école maternelle, à l’école
primaire et au collège. J’ai pu constater que
les enfants étaient très durs les uns vis-à-vis
des autres. Dès qu’un enfant sort de la «
normalité » - je mets ce mot entre guillemets
- les autres ont tendance à le mettre à l’écart
ou à lui tomber dessus. Qu’arrivera-t-il à
cet enfant étranger scolarisé en France dans
un milieu qu’il ne connaît pas et sortant de la
« normalité », si les deux parents ont
le même sexe ? Les autres enfants ne manqueront pas
de l’interroger : « Tu as deux papas ou deux mamans
? » (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste
et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Il est contraire à l’intérêt de
cet enfant de lui imposer un handicap supplémentaire.
(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe
des député-e-s communistes et républicains.)
C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous
demande de rejeter cet amendement, qui me paraît inapproprié
et en tout cas inopportun.
Mme Martine Billard. Certains ont regretté que le sujet
soit évoqué « Au détour d’un
amendement ». Pourtant, il appartient aux parlementaires
d’exprimer leurs points de vue au cours de la discussion
générale d’un projet ou d’une proposition
de loi et de déposer des amendements. On ne saurait
le leur reprocher. J’ai même entendu dire qu’il
s’agissait d’« un coup politique ».
C’est faux !
Vous avez défendu, depuis trois ans, des dizaines de
cavaliers en matière de licenciements économiques
etc. Vous ne pouvez pas prétendre qu’il s’agit
d’un cavalier. Nous discutons ce matin de l’adoption.
Mon amendement porte sur l’agrément. Je ne vois
pas en quoi il s’agirait d’un cavalier.
Il ne s’agit pas d’un « coup politique ».
C’est la ligne défendue par les Verts depuis
plusieurs années. Ce n’est pas nouveau. Nous
assumons ce que nous défendons. L’intervention
de M. Nesme était cohérente. Il a une vision
de la famille qui devrait d’ailleurs l’amener
à déposer un amendement interdisant au célibataire,
l’adoption, puisque, selon lui, un père et une
mère sont indispensables. Je respecte les personnes
qui défendent cette proposition. Mais elles doivent,
dans ce cas, aller jusqu’au bout en interdisant le divorce
et l’adoption par un parent célibataire. (Applaudissements
sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s
communistes et républicains.)
L’argument selon lequel la mission famille doit en discuter
peut se défendre. Mais, mesdames et messieurs du groupe
UMP, il fallait, avant de proposer la discussion d’un
texte dans le cadre de votre niche parlementaire, attendre
la fin des travaux de la mission famille. Nous aurions alors
pu travailler tous ensemble à l’issue des travaux
de la mission famille.
En ce qui concerne l’adoption internationale, j’ai
lu avec intérêt les conclusions de Mme la rapporteure.
Celle-ci indique qu’il y a trop de différences
entre les pratiques des différents départements.
Cela pose un problème au niveau international, car
les pays ne comprennent pas que les dossiers soumis à
l’agrément soient traités selon des critères
différents. Aussi, je propose de prévoir dans
la loi qu’il n’y ait plus de discrimination. Cela
évitera que des disparités apparaissent dans
le traitement des dossiers. Je m’inscris là dans
la logique développée par Mme la rapporteure
à l’article 1er.
Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder
au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte
de l’Assemblée nationale. Je vais donc mettre
aux voix l’amendement n° 14.
Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants 91
; Nombre de suffrages exprimés 89 ; Majorité
absolue 45 ; Pour l’adoption 20 ; Contre 69. L’Assemblée
nationale n’a pas adopté.
Homoparentalité : imposons le débat !
Paris, le 13 avril 2005.
Suivant ses engagements pris devant les associations
LGBT, le 2 avril dernier, lors du « Printemps des Assoces
» sur le couple et l’homoparentalité, la
députée de Paris Martine Billard (Les Verts)
a déposé plusieurs amendements à la proposition
de loi UMP de réforme de l’adoption, hier en
séance.
Alors que la proposition de loi était axée sur
la réforme de la procédure d’agrément
par les conseils généraux préalable à
l’adoption, Martine Billard a déposé un
amendement portant sur le Code de l’action sociale et
des familles et visant à empêcher toute discrimination
pour motif d’homosexualité dans l’octroi
de l’agrément. L’amendement précisait
que « l’orientation sexuelle ne peut être
un motif de refus car ne dépréciant aucunement
l’aptitude à accueillir dans le cadre du projet
d’adoption ». En effet, lors de l’affaire
« Fretté contre France », la Cour européenne
des droits de l’homme a déclaré en 2002
que la prohibition de cette discrimination relève de
la compétence des législations nationales.
La députée de Paris a également déposé
une série d’amendements reprenant la proposition
de loi qu’elle a déposée en 2002 avec
ses collègues Verts, réformant le code civil,
afin de permettre à des couples non mariés (pacsés
ou concubins) de personnes de même sexe ou de sexe différent,
d’adopter conjointement un enfant. La série d’amendements
porte à la fois sur l’adoption plénière,
l’adoption « par le second parent », l’exercice
de l’autorité parentale, le remplacement des
mentions « pères et mères » par
celle de « parents », et le choix du nom de famille
de l’un ou l’autre des deux parents.
La seule réponse du gouvernement et
des députés UMP et UDF a été de
renvoyer aux conclusions de la mission parlementaire sur la
famille... alors même qu’ils n’ont pas attendu
ces fameuses « conclusions » pour réformer
l’adoption. Pire, le député UMP Jean-Marc
Nesme a déclaré que « l’homoparentalité
est incompatible avec les droits universels de l’homme
», sans être désavoué par les députés
de son groupe. Il a ajouté qu’ « une loi
qui autoriserait un couple, ou un célibataire, revendiquant
une orientation sexuelle, à adopter, priverait radicalement
l’enfant du droit d’avoir un père et une
mère », oubliant que les célibataires
peuvent adopter individuellement depuis 1966. Quant au député
UMP Yves Nicolin, co-rédacteur de la proposition de
loi en discussion, il a indiqué clairement ce qu’il
pensait de l’adoption : « S’il s’agit
de l’intérêt de l’enfant, j’invite
les couples à se marier »...
Les amendements de Martine Billard reflétant
les positions constantes des Verts, elle s’engage à
continuer à les défendre, en imposant le débat
sur l’homoparentalité en toute occasion.
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