Projet Collectif Sciences Po 2005 : Mariage Homosexuel et homoparentalité
 

PROPOSITION DE LOI
clarifiant l’accès au mariage
des couples de personnes de même sexe

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE PAR Mme MARTINE BILLARD, MM. YVES COCHET et NOËL MAMÈRE, Députés.
N° 1650
ASSEMBLÉE NATIONALE - CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 – 12è LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 juin 2004.

EXPOSÉ DES MOTIFS (c’est nous qui soulignons)

MESDAMES, MESSIEURS,

Aucun des articles du code civil régissant le mariage (articles 144 et suivants) ne dispose explicitement que seuls les couples hétérosexuels peuvent contracter un mariage. Or, l’existence de couples homosexuels stables est une réalité. L’institution du mariage civil, telle que pratiquée aujourd’hui dans notre pays, est discriminatoire à l’égard des couples composés de personnes de même sexe. Pour les personnes homosexuelles voulant vivre en couple, l’égalité avec le reste de la société, normée sur le modèle de l’hétérosexualité, n’est pas assurée. Alors que les couples hétérosexuels ont le choix entre trois statuts (concubinage, PACS ou mariage), les couples lesbiens ou gays sont limités dans leur choix au concubinage ou au PACS. Cette discrimination se traduit en conséquence par une inégalité de traitement, contraire au principe constitutionnel d’égalité des droits, à divers moments importants de la vie : régime de la propriété des biens, régime de l’imposition, régime de la succession, régime des droits d’entrée et de séjour et de l’accès à la nationalité française, lorsqu’un des conjoints n’a pas la nationalité française ; ce qui menace parfois l’existence même du couple dans la durée, si le conjoint n’est pas citoyen de l’Union européenne. L’inégalité de traitement commence au moment même où sont actés ces deux types de contrats : célébration du mariage en mairies contre signature du PACS dans les tribunaux.

L’adoption de la loi 99-944 sur le Pacte civil de solidarité (PACS) a attesté de la prise en compte par la représentation nationale de l’évolution de la société sur la question de l’union civile entre deux personnes adultes (qu’elles soient de même sexe ou de sexe différent), dispositif plus souple que le contrat de mariage, tant en terme de droits que de devoirs. Les premières années écoulées depuis l’entrée en vigueur de la loi 99-944 du 15 novembre 1999 ont montré que le PACS n’a aucunement bouleversé les assises de notre société, contrairement à ce que certains membres de la représentation nationale avaient alors redouté. Le PACS a bel et bien répondu à une attente de la société, puisque, début 2004, plus de 104 900 pactes civils de solidarité avaient été signés. En outre, nous constatons l’acceptation dans la société française du principe d’unions homosexuelles qu’attestent les succès populaires rencontrés chaque année par les manifestations de revendication de l’égalité des droits. Le mariage civil est lui-même une institution ayant profondément évolué, depuis sa création en 1791, en tenant compte des évolutions de la société (passage d’une sujétion juridique de l’épouse à une totale égalité en droits et en devoirs des époux ; passage de la puissance paternelle à l’autorité parentale, pour ne citer que deux exemples). Alors qu’est célébré, en cette année 2004, le bicentenaire du code civil, il convient d’y lever toute ambiguïté et vide juridique en ce qui concerne le mariage.

Aussi, nous faut-il rappeler quels sont les principes régissant le mariage civil, à savoir une union à caractère familial entre deux personnes adultes, célébrée par un officier d’état civil. L’union matrimoniale a un caractère familial dès sa conclusion qui n’est pas subordonné à l’arrivée d’un autre membre, par procréation ou par adoption. La notion de famille commence ainsi dès la constitution du couple, protégé en tant que tel par l’article 8 de la convention européenne des droits de l’Homme qui garantit le droit de chaque citoyen au respect de la vie privée et familiale.

Le droit de contracter le mariage repose uniquement sur le principe du consentement des deux parties contractantes qu’atteste la procédure de vérification du libre choix, lors de sa célébration.La vocation de l’union matrimoniale ne repose pas sur une quelconque finalité de procréation par le couple hétérosexuel, puisqu’il n’est à aucun moment exigé à un couple hétérosexuel désireux de contracter un mariage, de prouver comme condition préalable qu’il a l’intention de procréer ; sinon le mariage serait interdit aux femmes qui ne sont plus en âge de procréer. De même, il n’est jamais demandé à un couple hétérosexuel qui veut se marier de prouver par son acte qu’il entend en faire un geste d’utilité sociale propre à son caractère hétérosexuel, qui viendrait s’ajouter à la seule volonté réciproque de s’unir des deux personnes contractantes. Si, dans la perspective du droit canon, la procréation est essentielle au mariage, il n’en va pas de même dans le mariage civil, le seul ayant valeur légale, qui prévoit certes la répartition des charges relatives aux éventuels enfants, mais ne fait pas de l’absence de procréation une cause de nullité du mariage. De plus, il convient de préciser que le mariage n’est pas la seule institution qui garantit la sécurité de la filiation ; la filiation naturelle étant elle-même garantie par le code civil (voir notamment la loi 72-3 du 3 janvier 1971).

Plusieurs pays de l’Union européenne ont déjà ouvert le mariage aux couples homosexuels. La Belgique qui connaît la même tradition juridique que la France et où le code civil ne prévoyait nulle part explicitement que seules les personnes de sexe différent pouvaient contracter mariage, le législateur a jugé utile, par la loi du 13 février 2003 entrée en vigueur le 1er juin 2003, de préciser la possibilité pour des personnes de même sexe de se marier civilement. Ainsi le nouvel article 143 du code civil belge dispose : « Deux personnes de sexe différent ou de même sexe peuvent contracter mariage ».

Partant de cette même volonté de lever toute ambiguïté dans le code civil, et sans préjudice d’une légitime révision à la hausse des droits ouverts aux couples contractant un PACS (régime fiscal, régime de droits d’entrée et de séjour en France et d’acquisition de la nationalité, pension de réversion de retraites pour les conjoints survivants), la présente proposition de loi définit explicitement, à l’article 144 de notre code civil, le mariage comme une union pouvant être conclue par deux personnes adultes consentantes (deux femmes, deux hommes ou une femme et un homme), et étant célébrée par un officier d’état civil. Conformément à cette précision, le droit de contracter mariage est bien sûr ouvert à toute personne transsexuelle après changement légal de sexe comme à toute personne transgenre sans changement légal de sexe. Les droits acquis dans le mariage des personnes transsexuelles mariées, ayant changé de sexe dans le mariage ou après un divorce, ne sont pas remis en cause. En outre, il est prévu d’autoriser le mariage pour tout adulte, après dix-huit ans révolus, qu’il soit homme ou femme.

Loin de prévoir une disposition d’ordre catégoriel, la présente proposition de loi de clarification et de définition du mariage s’appuie sur le principe ayant valeur constitutionnelle de l’égalité des droits et de traitement, sans aucune distinction ou discrimination, qui est le fondement de la société française depuis la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789, rappelée dans le Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958.

Tel est le contenu de la proposition de loi qu’il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter.


PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Au sixième alinéa de l’article 75 du code civil, les mots : « pour mari et femme » sont remplacés par les mots : « conjointement pour époux ».
Article 2
Au premier alinéa de l’article 108 du code civil, les mots : « Le mari et la femme » sont remplacés par les mots : « Les conjoints unis par le mariage ».
Article 3
L’article 144 du code civil est ainsi rédigé : « Le mariage est l’union célébrée par un officier d’état civil entre deux personnes de même sexe ou de sexe différent, ayant toutes deux dix-huit ans révolus.»
Article 4
A l’article 162 du code civil, sont insérés après les mots : « le frère et la soeur », les mots : « , deux frères ou deux soeurs, ».
Article 5
I.– A l’article 163 du code civil, sont insérés après les mots : « la nièce », les mots : « ou le neveu ».
II. – Au même article, sont insérés après les mots : « le neveu », les mots : « ou la nièce ».
Article 6
I.– A l’article 164 du code civil, sont insérés après les mots : « la nièce », les mots : « ou le neveu ».
II.– Au même article, sont insérés après les mots : « le neveu », les mots : « ou la nièce ».
Article 7
Au deuxième alinéa de l’article 371-1 du code civil, les mots : « père et mère » sont remplacés par le mot : « parents ».
Article 8
Au premier alinéa de l’article 412 du code civil, les mots : « Le mari peut représenter la femme ou réciproquement » sont remplacés par les mots : « Deux époux peuvent se représenter l’un l’autre réciproquement».
Article 9
A l’article 980 du code civil, les mots : « le mari et la femme » sont remplacés par les mots : « deux époux ».
Article 10
L’article 2254 du code civil est modifié comme suit :
I. – Les mots : « contre la femme mariée » sont remplacés par les mots : « contre la personne mariée ».
II. – Les mots : « dont le mari » sont remplacés par les mots : « dont le conjoint ou la conjointe par le mariage ».
III. – Les mots : « contre le mari » sont remplacés par les mots : « contre le conjoint ou la conjointe par le mariage ».
Article 11
Afin de garantir l’égalité des droits entre couples unissant des personnes de même sexe et couples unissant des personnes de sexe différent, un décret en Conseil d’Etat modifie toutes les mesures d’ordre réglementaire concernant le mariage qui indiqueraient, explicitement ou implicitement que le mariage ne s’entendrait que comme l’union d’une femme et d’un homme.


Extraits du Code civil (2005)


Article 75

Le jour désigné par les parties, après le délai de publication, l'officier de l'état civil, à la mairie, en présence d'au moins deux témoins, ou de quatre au plus, parents ou non des parties, fera lecture aux futurs époux des articles 212, 213 (alinéas 1 et 2), 214 (alinéa 1er) et 215 (alinéa 1er) du présent code. Il sera également fait lecture de l'article 371-1.
Toutefois, en cas d'empêchement grave, le procureur de la République du lieu du mariage pourra requérir l'officier de l'état civil de se transporter au domicile ou à la résidence de l'une des parties pour célébrer le mariage. En cas de péril imminent de mort de l'un des futurs époux, l'officier de l'état civil pourra s'y transporter avant toute réquisition ou autorisation du procureur de la République, auquel il devra ensuite, dans le plus bref délai, faire part de la nécessité de cette célébration hors de la maison commune.
Mention en sera faite dans l'acte de mariage.
L'officier de l'état civil interpellera les futurs époux, et, s'ils sont mineurs, leurs ascendants présents à la célébration et autorisant le mariage, d'avoir à déclarer s'il a été fait un contrat de mariage et, dans le cas de l'affirmative, la date de ce contrat, ainsi que les nom et lieu de résidence du notaire qui l'aura reçu. Si les pièces produites par l'un des futurs époux ne concordent point entre elles quant aux prénoms ou quant à l'orthographe des noms, il interpellera celui qu'elles concernent, et s'il est mineur, ses plus proches ascendants présents à la célébration, d'avoir à déclarer que le défaut de concordance résulte d'une omission ou d'une erreur.
Il recevra de chaque partie, l'une après l'autre, la déclaration qu'elles veulent se prendre pour mari et femme : il prononcera, au nom de la loi, qu'elles sont unies par le mariage, et il en dressera acte sur-le-champ.


Article 108

Le mari et la femme peuvent avoir un domicile distinct sans qu'il soit pour autant porté atteinte aux règles relatives à la communauté de la vie.
Toute notification faite à un époux, même séparé de corps, en matière d'état et de capacité des personnes, doit également être adressée à son conjoint, sous peine de nullité.


Article 144

L'homme avant dix-huit ans révolus, la femme avant quinze ans révolus, ne peuvent contracter mariage.


A l’Assemblée Nationale. Première séance du mardi 12 avril 2005.
Adoption/homoparentalité : "On incite les candidats à l’adoption à ne pas faire état de leur homosexualité. C’est le comble de l’hypocrisie !".

Compte rendu de la séance.

Amendemement après l’article 1er.

Mme Martine Billard. L’amendement que je vous propose d’adopter vise à inscrire dans la partie législative du code de l’action sociale et des familles, à l’article L. 225-4, des dispositions générales qui reprennent celles formulées à l’article 9 du décret de 1985 relatif à l’agrément. Celui-ci dispose qu’aucun refus d’agrément ne peut être motivé par la seule constatation de l’âge, de la situation matrimoniale du demandeur ou de la présence d’enfants à son foyer. Je propose d’ajouter dans la loi que le refus ne peut être motivé par la constatation de l’orientation sexuelle du demandeur ou de sa situation conjugale, qu’il soit célibataire, marié, en concubinage ou lié par un PACS.
La loi de 1966 a donné individuellement aux célibataires de plus de vingt-huit ans le droit d’adopter et le décret du 23 août 1985 a exclu qu’il soit allégué de la situation matrimoniale du candidat pour refuser un agrément. Pourtant, les homosexuels, notamment ceux vivant en couples - en concubinage ou liés par un pacte civil de solidarité - se le voient refuser, dès lors qu’ils ne cherchent pas à dissimuler leur orientation sexuelle lors de l’enquête sociale.
Je vous propose d’en finir avec cette hypocrisie. De fait, à l’exception des départements de Paris et de l’Hérault, les conseils généraux refusent quasi systématiquement l’agrément au seul motif de l’orientation sexuelle du demandeur, alors même que ce dernier présente toutes les garanties sur les plans familial, éducatif et psychologique pour accueillir un enfant. Ou alors il lui est conseillé de cacher son orientation sexuelle ou le fait qu’il vive en couple.
En décembre 2000, la cour administrative d’appel de Nancy a désavoué l’arrêt par lequel le tribunal administratif de Besançon annulait une telle décision émanant du conseil général du Jura. Auparavant, deux arrêts du Conseil d’État de 1996 et 1997 incitaient même les candidats à l’adoption à ne pas faire état de leur homosexualité. C’est le comble de l’hypocrisie !
Un tel refus d’agrément, qui exclut par principe une catégorie de citoyens des procédures d’adoption, peut donc être considéré comme discriminatoire, alors même que l’article 13 du traité d’Amsterdam, ratifié par la France, stipule que les États signataires doivent combattre toutes discriminations fondées sur l’orientation sexuelle. Ce principe figure d’ailleurs aussi dans le projet de traité de Constitution européenne.
De même, les personnes homosexuelles sont censées être protégées des discriminations, en droit français, par l’article L. 225-1 du code pénal et l’article 1er de la Constitution.
Il existe déjà une abondante littérature médicale sur les enfants issus de couples homoparentaux qui démontre qu’ils ne souffrent d’aucun problème spécifique. Les taux d’addiction, de fugues ou de suicides ne diffèrent guère, que les parents soient en couples homosexuels ou hétérosexuels.
Je vous propose donc de mettre fin aux discriminations actuelles et à l’hypocrisie régnante.
M. Richard Mallié (UMP). Rien que ça !
Mme Michèle Tabarot, rapporteure. D’abord, le texte dont nous débattons aujourd’hui est technique et non politique. Ensuite, les départements ont toute légitimité à accorder ou non l’agrément. Si nous réglementons tout, calibrons tout, nous interférons dans le travail de la commission d’adoption chargée, dans un délai de neuf mois, de l’instruction de la délivrance d’agrément. Enfin, une mission d’information sur la famille travaille de façon active depuis plusieurs semaines maintenant. C’est dans ce cadre que doit être examinée la proposition de Mme Billard. La mission a en effet toute possibilité d’étendre ses domaines de réflexion. Les conclusions de ses travaux nous conduiront peut-être à prendre certaines décisions. En résumé, la demande de Mme Billard est prématurée et n’a pas sa place dans le texte que nous examinons.
M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Avis défavorable. Le texte que nous examinons aujourd’hui porte sur l’adoption internationale. Dans un tel contexte, il n’est pas uniquement question des lois françaises, mais aussi de la législation des pays d’origine des enfants adoptés. Pour importante que soit la question de l’homoparentalité, elle n’a donc pas sa place ici. Foin d’hypocrisie, en effet ! Défendez vos convictions dans le cadre de la mission d’information sur la famille. Réfléchissons ensemble, par-delà les clivages politiques, à cette question. Mais ne l’abordons pas à l’occasion de l’examen d’un texte technique, comme vient de le dire Mme Tabarot, sur l’adoption internationale qui dépasse très largement le cadre des lois françaises.
Mme Patricia Adam (PS). L’amendement proposé par notre collègue est important. Certes, comme viennent de le dire Mme la rapporteure et M. le ministre, une mission travaille actuellement sur le sujet de la parentalité, sous l’angle à la fois de la famille et des droits de l’enfant, et il serait possible d’aborder la question de l’homoparentalité à l’issue des travaux de celle-ci, et même d’envisager de déposer une proposition de loi. Mais on pourrait en dire autant du présent texte, discuté dans le cadre d’une niche parlementaire. Il ne présente aucun caractère d’urgence et on aurait très bien pu attendre - cela aurait été même prudent - que la mission termine ses travaux avant de l’examiner. Elle doit rendre ses conclusions à la fin de l’année. La défenseure des enfants souligne, par ailleurs, dans son rapport d’activité de 2004 que l’homosexualité ne saurait constituer un critère inavoué de refus d’agrément. Or les appréciations diffèrent en la matière selon les départements, ce qui crée un problème d’équité. Enfin, la loi permet depuis 1966 la création d’un lien de filiation entre un enfant et un célibataire, quels que soient les choix sexuels de ce dernier.
Je suis donc favorable à cet amendement, sur lequel je demande un scrutin public.
Mme Muguette Jacquaint (PCF). Cet amendement est important. J’entends bien les arguments de M. le ministre : une discussion, plus large, a lieu actuellement sur la famille. Mais alors, pourquoi, comme vient de le dire Mme Adam, avoir précipité l’inscription à l’ordre du jour de la proposition dont nous débattons, en profitant d’une niche parlementaire, alors que vous saviez pertinemment que la question de l’homoparentalité serait abordée à cette occasion ? Qu’est-ce qu’on demande aux parents adoptifs ? En premier lieu, l’amour des enfants ! Or, aucune étude n’affirme que des parents homosexuels en seraient moins capables.
M. Yves Nicolin et Mme Christine Boutin (UMP). Il n’existe aucune étude !
Mme Muguette Jacquaint. Je ne comprends pas pourquoi une question aussi importante n’est pas abordée dans le présent texte. Il nous paraît important d’adopter cet amendement car il tend à inscrire dans la loi le droit pour des demandeurs pacsés ou concubins, vivant ensemble, quel que soit leur sexe,...
Mme Christine Boutin. Leur sexualité ! Ce n’est pas tout à fait pareil !
Mme Muguette Jacquaint. ...d’adopter un enfant et de lui donner autant d’amour que les autres parents.
Mme Christine Boutin. C’est reparti !
M. Richard Mallié. Pauvre France !
M. Yves Nicolin (UMP). La proposition de loi que nous examinons concerne les modalités techniques de l’adoption, non l’adoption en elle-même. L’amendement déposé par Mme Billard, M. Cochet et M. Mamère reflète un débat qui a lieu dans notre pays qu’il ne nous appartient pas de trancher aujourd’hui. Ce serait, d’ailleurs, un manque de considération vis-à-vis des communautés homosexuelles que de prétendre régler le problème de l’homoparentalité au détour d’un amendement. La mission d’information sur la famille abordera le sujet. D’autres cénacles s’en saisiront. Très sincèrement, ce n’est pas au détour d’un amendement que cette question peut être tranchée. Personne ne nie qu’un couple homosexuel soit capable d’apporter autant d’amour à un enfant qu’un couple hétérosexuel. J’attire simplement votre attention sur le fait que, en matière d’adoption, ce sont les intérêts supérieurs de l’enfant qui doivent être pris en compte, et non un prétendu droit à l’adoption. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Par conséquent, ce qui importe ce n’est pas de permettre à telle ou telle personne d’adopter un enfant mais, au contraire, à tel ou tel enfant de trouver une famille. Par ailleurs, il n’existe aucune étude concernant les enfants vivant dans des foyers homosexuels. Ne vous prévalez donc pas d’études qui n’existent pas ! Je précise que le problème de l’homoparentalité est également abordé au CSA. Enfin, la présente proposition de loi n’est aucunement examinée dans la précipitation. Elle vient au contraire en son temps puisque nous travaillons sur le sujet depuis plusieurs mois. Elle a fait l’objet de suffisamment d’échanges avec l’ensemble des partenaires pour ne pas donner cette impression. En abordant la question au détour d’un amendement, vous prenez en otages à la fois les candidats à l’adoption qui attendent impatiemment leur agrément,...
Mme Martine Billard. Un peu de respect pour les vrais otages !
M. Yves Nicolin. ...les homosexuels et, surtout, les enfants en attente d’adoption. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Pierre-Christophe Baguet (UDF). L’amendement de Mme Billard n’a absolument pas sa place dans le présent texte. La proposition de loi que nous examinons a pour objet de faciliter le parcours difficile des familles françaises qui veulent adopter des enfants, notamment à l’étranger. Je regrette profondément l’introduction tardive et en catimini de cet amendement. Elle ne vise qu’à faire un coup politique. La démarche proposée va générer plus de confusion que de solutions. Enfin, je rappelle que la mission famille n’a pas vocation à ratifier en quoi que ce soit les demandes de Mme Billard, d’autant qu’elle porte également sur les droits de l’enfant et il y aurait beaucoup à dire à ce sujet ! On doit promouvoir le droit de l’enfant et non pas le droit à l’enfant. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Mme la présidente. Sur le vote de l’amendement n° 14, je suis saisie par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
M. Jean-Marc Nesme (UMP). Je souhaiterais m’exprimer sur le fond de cet amendement, en me fondant sur les droits de l’homme. Ceux-ci ne reflètent pas l’air du temps. Ils ne sont pas l’expression d’une section du peuple, qui aspirerait à identifier ses droits au droit. Ils appartiennent à l’humanité tout entière. Et loin d’être le plus petit dénominateur commun, leur consensus, leur universalité et leur intemporalité font leur force. Or l’homoparentalité est tout simplement incompatible avec les droits universels de l’homme. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Le droit international, depuis la déclaration des droits de l’enfant de 1923 jusqu’à la convention de New York relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989 et à la convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale du 29 mai 1993 repose sur trois fondements convergents : la famille est formée d’un père et d’une mère ; l’enfant a droit à une famille ; enfin, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être garanti par la société. Une famille est donc formée d’un homme et d’une femme. Cela reprend l’article 16 de la déclaration des droits de l’homme de 1948. Les deux grands pactes de l’ONU, le pacte international des droits civils et politiques, en son article 23, comme le pacte international des droits économiques, sociaux et culturels, en son article 10, ont cette formule admirable : « La famille est l’élément naturel et fondamental de la société. » La notion de famille revient comme un leitmotiv dans tous les préambules. Ce postulat a un corollaire : le droit de se marier et de fonder une famille est reconnu à l’homme et à la femme - aux termes de l’article 23 précité. L’humanité ne procède pas de la génération spontanée. Je tirerai la conclusion de ces traités internationaux, que notre pays a ratifiés et signés : si nous ne voulons pas nous dédire ou aboutir un déni, nous devons refuser de voter une loi qui autoriserait un couple ou un célibataire revendiquant une orientation sexuelle à adopter un enfant, en privant radicalement ce dernier du droit à un père et à une mère. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) L’enfant adopté ne devient alors qu’un simple objet de substitution auquel un adulte prétend avoir droit, alors que, selon le droit international, c’est à une famille de substitution que l’enfant peut prétendre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Serge Blisko (PS). C’est l’Opus Dei !
Plusieurs députés du groupe socialiste. C’est honteux !
M. Richard Mallié (UMP). Ce matin, nous traitons de l’intérêt de l’enfant. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous parlons d’adoption internationale. Cela signifie donc que l’enfant vient d’un pays étranger. Imaginez cet enfant étranger qui arrive sur un territoire qu’il n’a jamais vu, qui entend parler une langue qu’il ne comprend pas, qui entre dans une famille qu’il ne connaît pas - peut-être d’ailleurs n’en avait-il pas auparavant. Ce milieu lui est totalement étranger, au sens propre comme au sens figuré. J’ai eu trois enfants - on considère aujourd’hui cela comme une famille nombreuse. J’ai vu ces enfants évoluer à l’école maternelle, à l’école primaire et au collège. J’ai pu constater que les enfants étaient très durs les uns vis-à-vis des autres. Dès qu’un enfant sort de la « normalité » - je mets ce mot entre guillemets - les autres ont tendance à le mettre à l’écart ou à lui tomber dessus. Qu’arrivera-t-il à cet enfant étranger scolarisé en France dans un milieu qu’il ne connaît pas et sortant de la « normalité », si les deux parents ont le même sexe ? Les autres enfants ne manqueront pas de l’interroger : « Tu as deux papas ou deux mamans ? » (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Il est contraire à l’intérêt de cet enfant de lui imposer un handicap supplémentaire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande de rejeter cet amendement, qui me paraît inapproprié et en tout cas inopportun.
Mme Martine Billard. Certains ont regretté que le sujet soit évoqué « Au détour d’un amendement ». Pourtant, il appartient aux parlementaires d’exprimer leurs points de vue au cours de la discussion générale d’un projet ou d’une proposition de loi et de déposer des amendements. On ne saurait le leur reprocher. J’ai même entendu dire qu’il s’agissait d’« un coup politique ». C’est faux !
Vous avez défendu, depuis trois ans, des dizaines de cavaliers en matière de licenciements économiques etc. Vous ne pouvez pas prétendre qu’il s’agit d’un cavalier. Nous discutons ce matin de l’adoption. Mon amendement porte sur l’agrément. Je ne vois pas en quoi il s’agirait d’un cavalier.
Il ne s’agit pas d’un « coup politique ». C’est la ligne défendue par les Verts depuis plusieurs années. Ce n’est pas nouveau. Nous assumons ce que nous défendons. L’intervention de M. Nesme était cohérente. Il a une vision de la famille qui devrait d’ailleurs l’amener à déposer un amendement interdisant au célibataire, l’adoption, puisque, selon lui, un père et une mère sont indispensables. Je respecte les personnes qui défendent cette proposition. Mais elles doivent, dans ce cas, aller jusqu’au bout en interdisant le divorce et l’adoption par un parent célibataire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
L’argument selon lequel la mission famille doit en discuter peut se défendre. Mais, mesdames et messieurs du groupe UMP, il fallait, avant de proposer la discussion d’un texte dans le cadre de votre niche parlementaire, attendre la fin des travaux de la mission famille. Nous aurions alors pu travailler tous ensemble à l’issue des travaux de la mission famille.
En ce qui concerne l’adoption internationale, j’ai lu avec intérêt les conclusions de Mme la rapporteure. Celle-ci indique qu’il y a trop de différences entre les pratiques des différents départements. Cela pose un problème au niveau international, car les pays ne comprennent pas que les dossiers soumis à l’agrément soient traités selon des critères différents. Aussi, je propose de prévoir dans la loi qu’il n’y ait plus de discrimination. Cela évitera que des disparités apparaissent dans le traitement des dossiers. Je m’inscris là dans la logique développée par Mme la rapporteure à l’article 1er.
Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Je vais donc mettre aux voix l’amendement n° 14.
Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants 91 ; Nombre de suffrages exprimés 89 ; Majorité absolue 45 ; Pour l’adoption 20 ; Contre 69. L’Assemblée nationale n’a pas adopté.



Homoparentalité : imposons le débat !
Paris, le 13 avril 2005.

Suivant ses engagements pris devant les associations LGBT, le 2 avril dernier, lors du « Printemps des Assoces » sur le couple et l’homoparentalité, la députée de Paris Martine Billard (Les Verts) a déposé plusieurs amendements à la proposition de loi UMP de réforme de l’adoption, hier en séance.
Alors que la proposition de loi était axée sur la réforme de la procédure d’agrément par les conseils généraux préalable à l’adoption, Martine Billard a déposé un amendement portant sur le Code de l’action sociale et des familles et visant à empêcher toute discrimination pour motif d’homosexualité dans l’octroi de l’agrément. L’amendement précisait que « l’orientation sexuelle ne peut être un motif de refus car ne dépréciant aucunement l’aptitude à accueillir dans le cadre du projet d’adoption ». En effet, lors de l’affaire « Fretté contre France », la Cour européenne des droits de l’homme a déclaré en 2002 que la prohibition de cette discrimination relève de la compétence des législations nationales.
La députée de Paris a également déposé une série d’amendements reprenant la proposition de loi qu’elle a déposée en 2002 avec ses collègues Verts, réformant le code civil, afin de permettre à des couples non mariés (pacsés ou concubins) de personnes de même sexe ou de sexe différent, d’adopter conjointement un enfant. La série d’amendements porte à la fois sur l’adoption plénière, l’adoption « par le second parent », l’exercice de l’autorité parentale, le remplacement des mentions « pères et mères » par celle de « parents », et le choix du nom de famille de l’un ou l’autre des deux parents.

La seule réponse du gouvernement et des députés UMP et UDF a été de renvoyer aux conclusions de la mission parlementaire sur la famille... alors même qu’ils n’ont pas attendu ces fameuses « conclusions » pour réformer l’adoption. Pire, le député UMP Jean-Marc Nesme a déclaré que « l’homoparentalité est incompatible avec les droits universels de l’homme », sans être désavoué par les députés de son groupe. Il a ajouté qu’ « une loi qui autoriserait un couple, ou un célibataire, revendiquant une orientation sexuelle, à adopter, priverait radicalement l’enfant du droit d’avoir un père et une mère », oubliant que les célibataires peuvent adopter individuellement depuis 1966. Quant au député UMP Yves Nicolin, co-rédacteur de la proposition de loi en discussion, il a indiqué clairement ce qu’il pensait de l’adoption : « S’il s’agit de l’intérêt de l’enfant, j’invite les couples à se marier »...

Les amendements de Martine Billard reflétant les positions constantes des Verts, elle s’engage à continuer à les défendre, en imposant le débat sur l’homoparentalité en toute occasion.