Gérard Leclerc –Editorialiste
à France Catholique, essayiste.
Claire Lesegretain–Chef
adjoint au service religion de La Croix, est l’auteur
des Grands Ordres religieux, hier et aujourd’hui
(Fayard, 1990) et de Etre ou ne pas être célibataire
(Saint Paul, 1998). Elle anime également des sessions
pour célibataires chrétiens, hommes et femmes.
Elle publie en novembre 2004 une enquête consacrée
au rapport des chrétiens à l'homosexualité.
L'homosexualité
à travers
les textes sacrés
Afin de prendre pleinement conscience des enjeux soulevés
par le débat sur la mariage homosexuel et sur la question
qui en découle, on ne saurait éluder le regard
porté sur ces questions par les principales religions
en ce qu’elles ont été et demeurent encore
aujourd’hui un déterminant majeur des pratiques
sociales et culturelles. Aussi la vision de l’homosexualité
des confessions majeures et de ce qui en constitue la base,
à savoir les textes sacrés, est-elle fondamentale.
Pour autant, on ne saurait extraire de manière abrupte
les positions de livres sacrés sans prendre en compte
le dogme défendu par les communautés religieuses
et les ministres chargés de l’interprétation
desdites écritures.
En effet, les livres sacrés,
qu’on les considère comme révélés
par Dieu ou un prophète ou bien comme des œuvres
humaines, prescrivent autant un comportement religieux, propre
aux rapports avec le divin qu’un forme d’organisation
sociale. C’est à ce titre qu’on peut noter
que les grands monothéismes (Judaïsme, Christianisme
et Islam) condamnent l’homosexualité mais surtout
proscrivent la pratique homosexuelle. Si l’attirance
pour un être du même sexe ne fait pas l’objet
de longs développements (on peut même penser
à ce que David disait de Jonathan), l’acte homosexuel,
en général masculin, est vigoureusement condamné.
Cette condamnation s’accompagne d’ailleurs souvent
de châtiments clairement énoncés.
L’homosexualité
et la Torah
D’après la Torah,
l’homosexualité est une déviation grave,
le passage à l’acte étant une abomination,
« Tu ne coucheras pas avec un homme comme on couche
avec une femme. C’est une abomination » (Lévitique
18, 22). Cet interdit est accompagné d’un énoncé
de la sanction deux chapitre plus loin « Si un homme
couche avec un homme comme on couche avec une femme, ils ont
fait tous deux une chose abominable, ils seront punis de mort
: leur sang retombera sur eux » (Lévitique 20,
13).
A ce titre le châtiment
de Sodome est très clair. Deux étrangers accueillis
par Lot, le seul juste de Sodome sont réclamés
la nuit tombée par les habitants de la ville en question,
les Sodomites. Ceux-ci demandent à Lot les deux hommes
«Où sont les hommes qui sont entrés chez
toi cette nuit ? Fais-les sortir vers nous pour que nous les
connaissions » (Genèse 19, 6) Lot réclame
qu’on ne fasse pas le mal, mais propose ses deux filles
« qui n’ont point connu d’hommes, afin qu’ils
leur fassent ce qui leur plaira ». On peur donc, en
suivant la tradition hébraïque considérer
que l’acte homosexuel est « le mal », qu’il
est donc jugé plus noble de laisser souiller ses filles
que d’accepter que soit commis un tel acte. Si Lot est
sauvé pour sa conduite, « L’Eternel fit
pleuvoir sur Sodome et Gomorrhe du soufre et du feu, de par
l’Eternel. Il détruisit ces villes, toute la
plaine et tous les habitants des villes, et les plantes de
la terre » (Genèse 19. 25).
Pour autant, comme on le note
souvent la Torah contient aussi un cantique funèbre
chanté à Jonathan par David : « Je suis
dans la douleur à cause de toi Jonathan, mon frère,
tu faisais tout mon plaisir, ton amour pour moi était
admirable au dessus de l’amour des femmes » (2
Samuel 1, 26).
La tradition hébraïque
quant à elle confirme cette condamnation, même
si elle en tempère souvent la portée. Le Talmud
tout comme l’enseignement des principaux courants du
Judaïsme (Orthodoxe et conservateur) maintiennent la
réprobation traditionnelle de la Torah. On peut se
référer en France aux écrits du Grand
Rabbin Sitruk. « L'homosexualité est évidemment
d'abord et principalement une perversion sexuelle. Mais ce
n'est pas pour moi l'aspect fondamental, socialement parlant.
Si l'homosexualité n'était qu'une inclination
sexuelle, elle serait gérable, d'un façon ou
d'une autre. Mon inquiétude vient de cette facilite
avec laquelle de plus en plus de jeunes s'orientent vers ce
choix qui va a rebours de ce grand défi humain qui
consiste a affronter et surpasser la grande question de l'altérité
».
L’homosexualité
et la Bible
La Bible se composant de l’Ancien
Testament et du Nouveau Testament, nous ne reviendrons pas
sur ce qui a déjà été dit dans
l’Ancien Testament, dans la mesure où celui-ci
n’est autre que ce que le judaïsme appelle la Torah.
Par ailleurs, la question du remplacement de la Torah par
l’enseignement du Christ est posée par certains
chrétiens, bien que Jésus ait déclaré
ne pas être venu abolir mais accomplir la loi de Moïse.
En la matière, on n’observe
aucune césure entre l’enseignement du Nouveau
Testament et celui de l’Ancien. Si les Evangiles n’abordent
pas la question de l’homosexualité, il en est
autrement de Epitres de Paul. En Romains 1, Paul dénonce
très fermement la pratique homosexuelle : « Et
de même, les hommes abandonnant l’usage naturel
de la femme, se sont enflammés dans leurs désirs
les uns pour les autres, commettant homme avec homme des choses
infâmes, et recevant en eux-mêmes le salaire que
méritait leur égarement. Comme ils ne se sont
pas souciés de connaître Dieu, Dieu les a livrés
à leur sens réprouvé, pour commettre
des choses indignes étant remplis de toute espèce
d’injustice […] Et bien qu’ils connaissent
le jugement de Dieu, déclarant dignes de mort ceux
qui commettent de telles choses, non seulement ils le font,
mais ils approuvent ceux qui les font ». On note que
la condamnation de l’Ancien Testament est maintenue
sans compromis aucun dans la loi renouvelée.
Cet interdit formel est réitéré
dans le 1er Epitre aux Corinthiens « Ne savez-vous pas
que les injustes n’entreront pas dans le Royaume de
Dieu ? Ne vous y trompez pas : ni les impudiques, ni les idolâtres,
ni les adultères, ni les efféminés, ni
les infâmes, ni les voleurs, ni les cupides, ni les
ivrognes, ni les outrageux, ni les ravisseurs n’hériteront
le Royaume de Dieu ». On peut certes y voir le zèle
souvent emporté de Saint Paul contre les tiédeurs
envers Dieu ou les déviances par rapport à sa
Loi, néanmoins, force est de reconnaître que
le retour aux textes rend compte d’un anathème
absolu porté contre l’acte homosexuel aussi bien
que contre l’état de vie homosexuel.
Durant les siècles qui
suivirent l’Eglise catholique ainsi que les Eglises
chrétiennes en général maintinrent la
réprobation originelle voire l’accentuèrent.
Aujourd’hui, la pratique homosexuelle demeure interdite
(même si le respect et l’accueil des personnes
homosexuelles sont préconisés par le Catéchisme
de l’Eglise Catholique rédigé par Vatican
II). On notera tout de même que selon les confessions
chrétiennes d’énormes différences
sont apparues au cours du XXeme siècle. Ainsi, si les
Eglises orthodoxes réprouvent très vigoureusement
l’homosexualité, certaines sectes protestantes
implantées dans les pays développés l’accepte,
même chez leurs ministres.
L’homosexualité
et le Coran
Le texte du Coran aborde la
question de l’homosexualité à travers
l’histoire de Lot, comme c’est le cas dans la
Bible. Pour autant, la condamnation prononcée contre
celle-ci est moins véhémente. « Et Lot
quand il dit à son peuple « vous livrez vous
à cette turpitude que nul, parmi les mondes n’a
commise avant vous ? Certes, vous assouvissez vos désirs
charnels avec les hommes au lieu des femmes ! Vous êtes
bien un peuple outrancier » (Sourate Al-Araf). Mais
si les termes sont plus mesurés, le châtiment,
lui, n’en est pas moins semblable « Aurez-vous
commerce charnel avec des mâles ? Pratiquerez-vous le
brigandage ? Commettrez-vous le blâmable dans votre
assemblée ? Mais son peuple ne fit d’autre réponse
que : « Fais que le châtiment d’Allah nous
vienne si tu es au nombre des véridiques ». Il
dit Seigneur donne-moi victoire sur ce peuple de corrupteurs.
Et quand Nos Anges apportèrent à Abraham la
bonne annonce, ils dirent Nous allons anéantir les
habitants de cette cité car ses habitants sont injustes
». (Sourate Al-Ankabut).
Ici aussi, le Coran, en tant
que texte sacré émet un interdit sans appel.
Mais la base de l’Islam est à la fois le Coran
et la Sunna, c'est-à-dire la pratique commandée
par Mahomet à travers les Hadiths (dits et gestes du
Prophète). La Sunna pour sa part est beaucoup plus
véhémente envers le homosexuels « lorsque
vous trouvez deux hommes accomplissant le pêché
de Lot, mettez-les à mort, l’actif comme le passif
».
Si les textes sacrés dans leur ensemble adoptent une
posture très critique vis-à-vis de l’homosexualité
et plus encore envers l’acte lui-même. De plus,
il nous faut garder à l’esprit que, en tant que
phénomène social, une religion est à
la fois un texte sacré ou révélé,
mais aussi une pratique collective. Hors, on constate que
cette pratique qui découle de l’enseignement
de chaque religion est plus hostile à l’homosexualité
que ne le sont les textes eux-mêmes.
Même le bouddhisme souvent
considéré comme une incarnation de la tolérance
individuelle réprouve l’homosexualité.
Ainsi, si l’un des 8 préceptes du bouddhisme
condamne « toute mauvaise conduite sexuelle ».
Le Dalaï Lama actuel porte sur l’homosexualité
le jugement suivant : « Cela fait partie de ce que nous,
les bouddhistes, appelons une « mauvaise conduite sexuelle
». Les organes sexuels ont été créés
pour la reproduction entre l’élément masculin
et l’élément féminin et tout ce
qui en dévie n’est pas acceptable d’un
point de vue bouddhiste »
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