Projet Collectif Sciences Po 2005 : Mariage Homosexuel et homoparentalité
 

Gérard Leclerc –Editorialiste à France Catholique, essayiste.

Claire Lesegretain–Chef adjoint au service religion de La Croix, est l’auteur des Grands Ordres religieux, hier et aujourd’hui (Fayard, 1990) et de Etre ou ne pas être célibataire (Saint Paul, 1998). Elle anime également des sessions pour célibataires chrétiens, hommes et femmes. Elle publie en novembre 2004 une enquête consacrée au rapport des chrétiens à l'homosexualité.

 

L'homosexualité à travers
les textes sacrés


Afin de prendre pleinement conscience des enjeux soulevés par le débat sur la mariage homosexuel et sur la question qui en découle, on ne saurait éluder le regard porté sur ces questions par les principales religions en ce qu’elles ont été et demeurent encore aujourd’hui un déterminant majeur des pratiques sociales et culturelles. Aussi la vision de l’homosexualité des confessions majeures et de ce qui en constitue la base, à savoir les textes sacrés, est-elle fondamentale. Pour autant, on ne saurait extraire de manière abrupte les positions de livres sacrés sans prendre en compte le dogme défendu par les communautés religieuses et les ministres chargés de l’interprétation desdites écritures.

En effet, les livres sacrés, qu’on les considère comme révélés par Dieu ou un prophète ou bien comme des œuvres humaines, prescrivent autant un comportement religieux, propre aux rapports avec le divin qu’un forme d’organisation sociale. C’est à ce titre qu’on peut noter que les grands monothéismes (Judaïsme, Christianisme et Islam) condamnent l’homosexualité mais surtout proscrivent la pratique homosexuelle. Si l’attirance pour un être du même sexe ne fait pas l’objet de longs développements (on peut même penser à ce que David disait de Jonathan), l’acte homosexuel, en général masculin, est vigoureusement condamné. Cette condamnation s’accompagne d’ailleurs souvent de châtiments clairement énoncés.

L’homosexualité et la Torah

D’après la Torah, l’homosexualité est une déviation grave, le passage à l’acte étant une abomination, « Tu ne coucheras pas avec un homme comme on couche avec une femme. C’est une abomination » (Lévitique 18, 22). Cet interdit est accompagné d’un énoncé de la sanction deux chapitre plus loin « Si un homme couche avec un homme comme on couche avec une femme, ils ont fait tous deux une chose abominable, ils seront punis de mort : leur sang retombera sur eux » (Lévitique 20, 13).

A ce titre le châtiment de Sodome est très clair. Deux étrangers accueillis par Lot, le seul juste de Sodome sont réclamés la nuit tombée par les habitants de la ville en question, les Sodomites. Ceux-ci demandent à Lot les deux hommes «Où sont les hommes qui sont entrés chez toi cette nuit ? Fais-les sortir vers nous pour que nous les connaissions » (Genèse 19, 6) Lot réclame qu’on ne fasse pas le mal, mais propose ses deux filles « qui n’ont point connu d’hommes, afin qu’ils leur fassent ce qui leur plaira ». On peur donc, en suivant la tradition hébraïque considérer que l’acte homosexuel est « le mal », qu’il est donc jugé plus noble de laisser souiller ses filles que d’accepter que soit commis un tel acte. Si Lot est sauvé pour sa conduite, « L’Eternel fit pleuvoir sur Sodome et Gomorrhe du soufre et du feu, de par l’Eternel. Il détruisit ces villes, toute la plaine et tous les habitants des villes, et les plantes de la terre » (Genèse 19. 25).

Pour autant, comme on le note souvent la Torah contient aussi un cantique funèbre chanté à Jonathan par David : « Je suis dans la douleur à cause de toi Jonathan, mon frère, tu faisais tout mon plaisir, ton amour pour moi était admirable au dessus de l’amour des femmes » (2 Samuel 1, 26).

La tradition hébraïque quant à elle confirme cette condamnation, même si elle en tempère souvent la portée. Le Talmud tout comme l’enseignement des principaux courants du Judaïsme (Orthodoxe et conservateur) maintiennent la réprobation traditionnelle de la Torah. On peut se référer en France aux écrits du Grand Rabbin Sitruk. « L'homosexualité est évidemment d'abord et principalement une perversion sexuelle. Mais ce n'est pas pour moi l'aspect fondamental, socialement parlant. Si l'homosexualité n'était qu'une inclination sexuelle, elle serait gérable, d'un façon ou d'une autre. Mon inquiétude vient de cette facilite avec laquelle de plus en plus de jeunes s'orientent vers ce choix qui va a rebours de ce grand défi humain qui consiste a affronter et surpasser la grande question de l'altérité ».

L’homosexualité et la Bible

La Bible se composant de l’Ancien Testament et du Nouveau Testament, nous ne reviendrons pas sur ce qui a déjà été dit dans l’Ancien Testament, dans la mesure où celui-ci n’est autre que ce que le judaïsme appelle la Torah. Par ailleurs, la question du remplacement de la Torah par l’enseignement du Christ est posée par certains chrétiens, bien que Jésus ait déclaré ne pas être venu abolir mais accomplir la loi de Moïse.

En la matière, on n’observe aucune césure entre l’enseignement du Nouveau Testament et celui de l’Ancien. Si les Evangiles n’abordent pas la question de l’homosexualité, il en est autrement de Epitres de Paul. En Romains 1, Paul dénonce très fermement la pratique homosexuelle : « Et de même, les hommes abandonnant l’usage naturel de la femme, se sont enflammés dans leurs désirs les uns pour les autres, commettant homme avec homme des choses infâmes, et recevant en eux-mêmes le salaire que méritait leur égarement. Comme ils ne se sont pas souciés de connaître Dieu, Dieu les a livrés à leur sens réprouvé, pour commettre des choses indignes étant remplis de toute espèce d’injustice […] Et bien qu’ils connaissent le jugement de Dieu, déclarant dignes de mort ceux qui commettent de telles choses, non seulement ils le font, mais ils approuvent ceux qui les font ». On note que la condamnation de l’Ancien Testament est maintenue sans compromis aucun dans la loi renouvelée.

Cet interdit formel est réitéré dans le 1er Epitre aux Corinthiens « Ne savez-vous pas que les injustes n’entreront pas dans le Royaume de Dieu ? Ne vous y trompez pas : ni les impudiques, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les efféminés, ni les infâmes, ni les voleurs, ni les cupides, ni les ivrognes, ni les outrageux, ni les ravisseurs n’hériteront le Royaume de Dieu ». On peut certes y voir le zèle souvent emporté de Saint Paul contre les tiédeurs envers Dieu ou les déviances par rapport à sa Loi, néanmoins, force est de reconnaître que le retour aux textes rend compte d’un anathème absolu porté contre l’acte homosexuel aussi bien que contre l’état de vie homosexuel.

Durant les siècles qui suivirent l’Eglise catholique ainsi que les Eglises chrétiennes en général maintinrent la réprobation originelle voire l’accentuèrent. Aujourd’hui, la pratique homosexuelle demeure interdite (même si le respect et l’accueil des personnes homosexuelles sont préconisés par le Catéchisme de l’Eglise Catholique rédigé par Vatican II). On notera tout de même que selon les confessions chrétiennes d’énormes différences sont apparues au cours du XXeme siècle. Ainsi, si les Eglises orthodoxes réprouvent très vigoureusement l’homosexualité, certaines sectes protestantes implantées dans les pays développés l’accepte, même chez leurs ministres.

L’homosexualité et le Coran

Le texte du Coran aborde la question de l’homosexualité à travers l’histoire de Lot, comme c’est le cas dans la Bible. Pour autant, la condamnation prononcée contre celle-ci est moins véhémente. « Et Lot quand il dit à son peuple « vous livrez vous à cette turpitude que nul, parmi les mondes n’a commise avant vous ? Certes, vous assouvissez vos désirs charnels avec les hommes au lieu des femmes ! Vous êtes bien un peuple outrancier » (Sourate Al-Araf). Mais si les termes sont plus mesurés, le châtiment, lui, n’en est pas moins semblable « Aurez-vous commerce charnel avec des mâles ? Pratiquerez-vous le brigandage ? Commettrez-vous le blâmable dans votre assemblée ? Mais son peuple ne fit d’autre réponse que : « Fais que le châtiment d’Allah nous vienne si tu es au nombre des véridiques ». Il dit Seigneur donne-moi victoire sur ce peuple de corrupteurs. Et quand Nos Anges apportèrent à Abraham la bonne annonce, ils dirent Nous allons anéantir les habitants de cette cité car ses habitants sont injustes ». (Sourate Al-Ankabut).

Ici aussi, le Coran, en tant que texte sacré émet un interdit sans appel. Mais la base de l’Islam est à la fois le Coran et la Sunna, c'est-à-dire la pratique commandée par Mahomet à travers les Hadiths (dits et gestes du Prophète). La Sunna pour sa part est beaucoup plus véhémente envers le homosexuels « lorsque vous trouvez deux hommes accomplissant le pêché de Lot, mettez-les à mort, l’actif comme le passif ».


Si les textes sacrés dans leur ensemble adoptent une posture très critique vis-à-vis de l’homosexualité et plus encore envers l’acte lui-même. De plus, il nous faut garder à l’esprit que, en tant que phénomène social, une religion est à la fois un texte sacré ou révélé, mais aussi une pratique collective. Hors, on constate que cette pratique qui découle de l’enseignement de chaque religion est plus hostile à l’homosexualité que ne le sont les textes eux-mêmes.

Même le bouddhisme souvent considéré comme une incarnation de la tolérance individuelle réprouve l’homosexualité. Ainsi, si l’un des 8 préceptes du bouddhisme condamne « toute mauvaise conduite sexuelle ». Le Dalaï Lama actuel porte sur l’homosexualité le jugement suivant : « Cela fait partie de ce que nous, les bouddhistes, appelons une « mauvaise conduite sexuelle ». Les organes sexuels ont été créés pour la reproduction entre l’élément masculin et l’élément féminin et tout ce qui en dévie n’est pas acceptable d’un point de vue bouddhiste »